Appel au S.T.O. |
La Résistance | Arrestation |
Direction Mathausen. |
Evacuation. | Libération. |
Dans la nuit, les sentinelles S.S. sont remplacées par de vieux soldats autrichiens, et vers
11 heures, un char américain entre dans le camp. C'est un délire. Convergeant vers la place
d'appel, chaque pays présent dans le camp s'avance vers les Américains, drapeau en tête.
Il y a des exactions. Le comité international essaie de contenir les prisonniers. Le magasin à
vivres est pillé, les distributions de nourriture sont faites entre deux mitrailleuses. Il faut
parer au plus urgent. Je suis chargé, avec deus S.S. prisonniers, de réparer les conduites d'eau.
Je suis armé d'une mitraillette plus ou moins bien en bon état. On s'occupe également des morts
et des malades. Avec une panière et deux prisonniers S.S., je distribue les vêtements aux malades.
Un groupe de Russes essaie d'intercepter une première. Je suis obligé de les menacer de ma
mitraillette. Ils n'insistent pas.
Quelques jours après l'évacuation des blessés, c'est à notre tour d'être embarqués dans des
camions, dont les chauffeurs ont été réquisitionnés parmi les soldats allemands. Celui qui nous
est affecté doit être un ancien nazi, car dans ses bagages se trouve un drapeau avec la croix
gammée. Nous le lui confisquons, et avec, nous confectionnons des foulards rouges. C'est le
commissaire Gilles qui a donné l'exemple.
Nous traversons le Danube à Passau, et nous dirigeons vers Nuremberg, d'où seront formés les
trains qui nous ramèneront en France. Dans les ruines de Nuremberg, nous trouvons un agneau,
nous le capturons, mais nous n'avons rien pour le découper et le faire cuire. Un canif et une
pelle feront l'affaire. Le train est formé et au travers d'une Allemagne dévastée, nous arrivons
en France.
Jusqu'à la frontière, nous n'avons croisé que des Allemands ou des soldats alliés, mais à partir
de la frontière, nous avons vu converger vers nous des Français qui, malgré la pénurie, nous
apportait soit à boire, soit à manger. Cet élan était prodigieux. Mais aussi et pour nous, il
y eut des moments pénibles, car les parents, les épouses les fiancées de camarades que nous
avions laissés dans les crématoires nous demandaient de leurs nouvelles.
Contrairement à de nombreux déportés, je ne suis pas passé à l'hôtel Lutetia, à Paris. Après un
tri, notre convoi a contourné la capitale et a continué vers le sud: Limoges, Périgueux, Libourne
et Bordeaux.
Arrivé à Bordeaux, j'ai été pris en main par la Croix-Rouge. Des infirmières m'ont accompagné
vers une ambulance à la sortie du salon d'honneur. Une petite fille est venue m'offrir un bouquet
de fleurs. Dehors, le devant de la gare était noir de monde. Parmi eux, mes parents. Ils ne m'ont
pas reconnu. Il est vrai que je ne dépassais pas 45 kilos. A l'arrivée dans l'ambulance, je
suis reçu par des pompiers, mes anciens collègues, qui me conduisent à mon domicile où j'attendrai
le retour de mes parents. Pour moi, une nouvelle vie commence."