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Mémoire d'un réfractaire.
Souvenirs d'Henri Pagés
"Etude d'un groupe de réfractaires", mémoire de maîtrise 1998-1999
de Christophe Varagnac.

Appel
au S.T.O.
La Résistance Arrestation Direction
Mathausen.
Evacuation. Libération.

Fin mars, devant l'arrivée des Russes, le camp est évacué. A ce moment-là, le kommando compte 10000 prisonniers. Il y a là une vingtaine de nationalités représentées. Je fais partie des 500 derniers déportés à quitter Melk. Alors que la plupart de mes camarades sont partis en péniche sur le Danube, puis ont rejoint à pied le camp d'Ebensee, où ils sont arrivés au bout de quinze jours, nous avons été embarqués dans des wagons.

Au moment du départ, nous sommes survolés par des avions russes, qui mitraillent autour du train. La sentinelle qui se trouve couchée à côté de moi tire sur les avions. Mais, en réarmant son Mauser, il se trouve avec le percuteur dans la main.

On monte dans le train. On est enfermé. A nouveau, les avions tirent. Nous nous faisons petits dans les wagons. Enfin, le train part, et quelques heures après, nous arrivons à Ebensee. Ebensee est située en plein Tyrol, sur les bords d'un lac. Les pics enneigés se mirent dans l'eau. Mais nous n'avons pas le temps de regarder le paysage.

Dés le lendemain, nous allons travailler dans les galeries, où est fabriquée de l'essence synthétique. La fin de la guerre approche, le comité de la résistance du camp s'active. Gilles, commissaire de police, Michel Haque, commissaire divisionnaire, qui sont mes copains de châlit, me demandent de participer à notre défense en cas de coup dur.

Tous les jours, en rentrant du travail, il y a deux ou trois pendus. Nous essuyons aussi une tempête de neige quelques jours avant notre libération. Au cours d'une dernière distribution de soupe à midi, un Russe est tué à coups de gourdin par un kapo. Le sang lui sortait de la bouche et tachait la neige.

Deux jours avant notre libération, le commandant du camp nous réunit sur la place d'appel, et nous propose de nous mettre à l'abri des combats dans les galeries. Nous refusons d'y entrer car nous savons par le comité de résistance du camp qu'à l'entrée des galeries, se trouve un locotracteur bourré de dynamite. Il lui est précisé que nous possédons un certain nombre d'armes et que, s'il le faut, nous nous en servirons.