Présentation. | Le départ | Sachsenhausen | Le Travail | L'avance russe | Le retour |
Aujourd'hui, 4 Juin, on vient d'apprendre que les prisonniers de guerre ont quitté Oranienburg pour
la France. Nous espérons que notre tour n'est pas loin. Il fait un temps merveilleux et je vais me
faire porter dans le jardin.
Le service sanitaire russe a commencé un contrôle médical de tous les internés, en vue certainement
de dépister les cas contagieux et pour nous faire une fiche signalétique pour notre retour en France.
Aujourd'hui, 11 juin 1945, les prisonniers de guerre ont été à Berlin pour se mettre en rapport avec les
autorités françaises. Cela va peut-être presser notre départ et demain notre Docteur va tacher de se
rendre lui aussi à Berlin. J'espère que toutes ces demandes vont aboutir à un résultat rapide.
Nous ne sommes pas malheureux, mais pour les T.B.C. le climat est dur car dans la même journée il fait
les 4 saisons et il en meurt tous les jours. C'est malheureux de mourir si près du but.
On vient de m'avertir que la radio russe a parlé de notre départ du camp dans les mois de Juin ou
Juillet. Vivement la classe!
Je reviens du rapport que le Docteur a refusé de signer. Le Docteur vient de nous dire qu'il y a un
français qui a signé le rapport des Allemands. Je ne sais pas encore le nom, mais on le recherche.
C'est incroyable les «salauds» qui nous entourent, mais peu à peu on les découvre et on ne les oublie
pas.
Aujourd'hui 14 Juin, j'ai changé de salle. Je suis un peu mieux et nous avons un poste de T.S.F. Le
temps paraîtra moins long à écouter les informations et la musique. fi est arrivé ce même jour un petit
incident comique. Un commissaire russe est passé dans notre chambre et un Général Lieutenant me demande
en russe si la soupe était bonne (en russe le mot cache). Ici, je lui fais signe en mettant mes mains
devant les yeux que le mot (cache) en français voulait dire (se dérober à la vue) et lui a compris
que la soupe que l'on nous servait nous donnait mal à la tête. Je l'ai laissé sur cette erreur ce qui
quelquefois pourrait faire améliorer l'ordinaire.
17 Juin : nous avons aujourd'hui un très grand espoir, le Docteur nous apprend que nous allions partir
dans la semaine. Nous ne pouvons pas le croire, pensant ne jamais sortir des barbelés. Les Tchèques
sont partis en autocar pour leur pays. Le Docteur me donne la permission de me lever avec des béquilles,
mais voilà, je ne suis pas grand et toutes les béquilles disponibles sont trop grandes pour moi. Je
suis encore obligé d'attendre que l'on trouve des béquilles pour ma pointure. Je n'ai pas encore la
jambe bien solide, mais en faisant attention j'espère que je pourrai marcher, avec les béquilles
naturellement.
19 Juin : Première sortie avec les béquilles. On est obligé de me tenir car je ne suis pas très fort;
j'ai la tête qui me tourne et la jambe droite qui peut à peine me porter. J'ai été m'asseoir dans
le jardin et j'y suis resté toute la journée ; je me suis endormi le soir comme une souche tellement
j'étais fatigué de cette première sortie. Le lendemain, il y avait du progrès, mais il fallait toujours
me tenir.
20 Juin : J'ai pu me promener tout seul dans le couloir, car je n'ose pas encore descendre les marches
qui conduisent dans le jardin. Je crois que demain je pourrai me promener un peu plus loin. C'est
aujourd'hui l'anniversaire de la délivrance par les Russes. Hier, le Docteur COUDERC est allé à Berlin
pour se mettre en rapport, avec une commission française en vue de notre rentrée en France.
On lui a répondu que les départs étaient classés par ordre et que nous pourrions partir de suite comme
dans quelques jours. Le Docteur a réussi à faire partir une lettre par avion pour Paris en indiquant
notre situation pour essayer de nous faire bénéficier d'un tour de faveur. Aujourd'hui la police russe
vient d'arrêter un ancien chef de bloc de chez Heinkel. Cela fait 3 ou 4 anciens internés allemands
qui nous avaient maltraités que les Russes ont réussi à arrêter. Ils seront interrogés et certainement
pendus.
Aujourd'hui 23 Juin. nous avons eu la surprise de voir arriver 6 ambulances avec des français. La
moitié est partie aujourd'hui. Les malades, blessés ne sont partis que le lendemain. Nous avons été
emmené dans les ambulances que les Russes ont mises à notre disposition. En route pour le camp d'aviation
de Tempelhof, prés de Berlin. Nous avons traversé Berlin et je n'ai pas vu une seule maison habitable.
La ville n'est plus qu'un amas de ruines, c'est effrayant. Mais il le fallait pour que les allemands
comprennent une bonne fois. Enfin les russes, nous voyant sur des brancards, voulurent nous faire partir
dans l'après-midi, car passer une journée sur des brancards, c'est trop fatiguant.
Nous avons été chargé dans un avion américain piloté par des aviateurs français et en route pour la
France. Nous avons fait un voyage admirable, un peu secoué en traversant la Forêt Noire. Mais voyage
magnifique. Nous avons pu voir au sol les traces des terribles combats qui se sont déroulés. Nous sommes
arrivés au Bourget le soir vers 7 heures. Nous avons été bien accueillis et dirigés sur l'hôpital de
la Salpetrière ou je fus admis salle Pinel. Nous étions bien soignés, mais mon séjour est court.
28 JUIN : Je reçois la visite de ma femme qui me donne des nouvelles de toute ma famille et suis maintenant
rassuré.
Demain 29 juin : DIRECTION BORDEAUX. J'ESPERE QUE C'EST LA DERNIERE ETAPE VERS UN NOUVEAU BONHEUR.