J'ai survécu à la "marche de la mort". Louis Piéchota. |
Présentation. |
Pendant l'interdiction. |
Prisonnier. |
La vie à Sachsenhausen. |
La "marche de la mort". |
La dernière nuit. |
La Tour de Garde, du 15 novembre 1980.
Le 29 avril, les S.S décidèrent de diriger quand même les prisonniers vers Lübeck. Ils espéraient que nous y arriverions avant
que les forces russes et américaines aient opéré leur jonction. Après plusieurs jours de marche, nous sommes arrivés près de
Schwerin, à une cinquantaine de kilomètres de Lübeck. Les S.S nous ordonnèrent une fois de plus de nous cacher dans les bois. Ce
devait être notre dernière nuit de captivité. Mais quelle nuit!
Les Russes et les Américains encerclaient ce qui restait de l'armée allemande, et les obus sifflaient au-dessus de nos têtes des
deux côtés. Un officier S.S nous conseilla alors de rejoindre sans escorte les lignes américaines qui se trouvaient environ six
kilomètres plus loin. Mais ce conseil ne nous disait rien qui vaille et, après avoir prié Jéhovah pour lui demander sa direction,
nous avons finalement décidé de passer la nuit dans les bois. Nous avons appris par la suite que les S.S avaient abattu les prisonniers
qui avaient accepté l'offre de l'officier et avaient essayé de gagner les lignes américaines. Comme nous étions reconnaissants
pour la direction que Jéhovah nous avait accordée!
Cette dernière nuit dans le bois de Crivitz fut loin d'être paisible. A mesure que les combats se rapprochaient, la panique des
S.S augmentait. Certains s'évanouirent dans la nuit, tandis que d'autres cachaient leurs armes et leurs uniformes, et revêtaient
le costume rayé de prisonniers qui étaient morts. Des détenus reconnurent certains S.S et les tuèrent avec les armes que ceux-ci
avaient abandonnées. La confusion était à son comble. Les hommes couraient çà et là, sous des vols de balles et d'obus qui
sifflaient dans tous les sens. Mais les Témoins sont restés ensemble jusqu'au lendemain matin, attendant la fin des combats sous
la main protectrice de Jéhovah.
Nous avons exprimé notre gratitude à Jéhovah dans une résolution adoptée le 3 mai 194?. Nous venions de parcourir 200 kilomètres
en 12 jours. Sur les 26.000 prisonniers qui avaient quitté le camp de concentration de Sachsenhausen, un peu plus de 15.000
seulement avaient survécu à la "marche de la mort". Cependant, aucun des 230 Témoins qu'il y avait au départ ne succomba à
l'épreuve. Quelle merveilleuse délivrance!
Le 5 mai 1945, j'ai rencontré les forces américaines et, le 21 mai, j'étais de retour à Harnes, dans le Nord de la France. J'avais
survécu à la "marche de la mort" et je partageais les sentiments que David exprima dans le Psaume 23:4, savoir: "Même si je
marchais dans la vallée de l'ombre profonde, je ne crains rien de mauvais, car si tu es avec moi; ta baguette et ton bâton sont
les choses qui me consolent."
Cette "marche de la mort" au départ de Sachsenhausen ne fut qu'une étape sur le chemin qui me conduit à travers le présent
système de choses jusqu'au but de ma vie. Depuis, j'ai connu de nombreuses joies dans la prédication de la "bonne nouvelle".
Je prie Jéhovah pour que, tout comme il m'a permis de survivre à cette marche terrible, il m'aide avec ma femme et mes enfants,
à continuer de marcher sur la route étroite qui mène à la vie et à éviter les pièges qui nous guettent à droite et à gauche.
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