J'ai survécu à la "marche de la mort".
Louis Piéchota.

Présentation. Pendant
l'interdiction.
Prisonnier. La vie à
Sachsenhausen.
La "marche
de la mort".
La dernière nuit.

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La Tour de Garde, du 15 novembre 1980.



Quand nous avons pénétré dans le camp de Sachsenhausen, j'ai senti toute l'ironie qu'il y avait dans ce slogan que Himmler, le chef des S.S, avait écrire en grandes lettres à l'intérieur du camp: "Arbeit macht frei" (Le travail rend libre). Quelle hypocrisie! Bien sûr, nous avions une liberté que les nazis n'ont jamais connue: celle que les vérités chrétiennes nous apportent (Jean 8:31, 32). Mais dans tous les autres domaines, Sachsenhausen, ce n'était que le travail forcé, la perspective de mourir lentement de faim, les humiliations et la déchéance.

Les nazis cherchaient à briser la résistance des Témoins de Jéhovah ou à les tuer. De fait, ils en tuèrent beaucoup. Mais chaque Témoin qui mourait remportait une victoire sur le plan de la foi et de l'intégralité, et infligeait une défaite morale aux nazis.

Quant à nous, qui restions en vie, nous étions loin d'être spirituellement abattus. Nous ne permettions pas aux conditions dégradantes de nous faire perdre le respect des valeurs spirituelles. Je prends le cas de frère Kurt Pape. Il reçut l'ordre d'entrer dans un kommando (ou équipe de travail) affecté à une usine d'armements. Il refusa en disant que, depuis 16 ans, il menait le combat chrétien sans armes, et que ce n'était pas maintenant qu'il allait entacher son intégrité. Ce refus risquait de lui coûter la vie, mais, fait surprenant, le commandant du camp lui permit de faire un autre travail. Une autre fois, frère Pape m'a sermonné parce que j'avais pris un peu de pain à la boulangerie du camp, où je travaillais. J'avais fait cela pour que les frères aient un peu plus à manger, mais il me dit qu'il valait mieux avoir faim que jeter l'opprobre sur le nom de Jéhovah en passant pour un voleur. Cette réprimande fit grande impression sur moi. Le dimanche après-midi, je servais d'interprète à frère Pape, qui avait réussi à éveiller de l'intérêt pour le message du Royaume chez un groupe de prisonniers russes et ukrainiens. Oui, frère Pape donna vraiment un bel exemple. Malheureusement, il fut tué lors d'un raid aérien allié, peu avant notre libération.