L’étudiante :: « Je vais vous demander de vous présenter. »
René Dauba : -: «Alors. Je m'appelle René Dauba. Je suis né le 4 Février 1922 à Buzas et j'ai par conséquent 77 ans maintenant,
plus près de 78 que de 77. Pendant la guerre, j'étais à Mont-de-Marsan chez mes parents et je travaillais au moment où j’ai été
arrêté, à la Trésorerie Générale des où j'étais auxiliaire. Mais auparavant, j'ai travaillé sur la base de Mont-de-Marsan comme
aide-comptable dans une entreprise qui construisait cette base. Mont-de-Marsan est devenue une base assez importante. Mais, à l’époque,
ce sont les Allemands qui l'ont créée. Et j’ai travaillé là , comme aide-comptable. Et, à ce titre là, j'avais un voisin qui était
à Libé-Nord des Landes, un résistant, chef de groupe et qui, sachant que j'étais sur la base, m'a demandé de lui donner des renseignements
chaque fois que je pourrais en avoir. Cela se situait au cours de l'été 1942, juin - 1942 puisqu'au 1er septembre, je suis rentré
à la Trésorerie Générale et qu'auparavant, j'ai pu fournir quelques renseignements à mon chef de groupe. Je ne sais pas s'il les a
utilisés parce qu'à .-là, la Résistance, elle n'était pas ce qu'elle est devenue par la suite, fin 1943 surtout. Je me souviens
que des chasseurs se sont «crachés » puisque c'est le terme, sur la base de Mont-de-Marsan. Je lui ai donné des renseignements.
Je me souviens de l'arrivée de Fockes Wulfs ; je ne sais pas si vous savez, ce sont ces fameux chasseurs allemands qui sont arrivés
après les Messerschmitts. Ces chasseurs sont arrivés au mois de juin 1942. C'était des renseignements que je communiquais.
Et chaque fois que des Junker 52, qu'on appelle vulgairement les «caisses à savon" partaient sur le Golfe de Gascogne pour repérer
les sous-marins, je lui communiquais ces renseignements. Mais ce n’est pas ça qui m’a valu mon arrestation.
Après cet emploi sur la base de Mont-de-Marsan, je suis rentré à la Trésorerie Générale des Landes le 1er septembre 1942. Et, il
y a eu le S.T.O. qui est arrivé par la suite. Et à ce moment là, les jeunes qui étaient «embrigadés» dans des mouvements de résistance
- j'étais à Libé-Nord - ont reçu l'ordre de partir en Espagne pour se joindre aux Forces Françaises Libres. Vous savez, je crois qu'il
y a peut être 50 ou 60 000 jeunes qui ont essayé de passer de l'autre côté. Tous n'ont pas réussi et je fais donc partie de ceux
qui ont échoué. Je suis parti de chez moi, toujours de Mont-de- Marsan, de chez mes parents, parce que j'étais célibataire à l'époque,
j'avais 21 ans, je suis parti de chez mes parents fin février -début mars 1943 avec l’ordre de rejoindre Mauléon où nous devions
prendre contact avec des gens qui se nommaient les frères Beasguis. C'étaient des passeurs, des passeurs affiliés à des réseaux qui
acheminaient sur l'Espagne des hommes qui se présentaient. Donc, venant de Libé-Nord des Landes, je n'étais pas seul de mon groupe
et à cette date là, je suis parti tout seul, mais j'avais trois camarades qui étaient dans le même groupe: Lapios, Cassou, Labeyrie
qui sont partis. Mais nous ne sommes pas tous partis en même temps parce qu'il est évident que s'il y avait une arrestation et que
nous étions ensemble, nous étions tous les quatre arrêtés. Je suis donc parti, j'ai pris contact avec les frères Beasguis et avec
eux, nous sommes partis le 14 ...le 13 mars 1943 à 2 heures de l'après-midi au sud de Mauléon, Ossas Suare exactement. Nous avons
formé un convoi de 17 bonhommes, nous avons marché toute l'après-midi du samedi, toute la nuit du samedi au dimanche et nous avons
été repérés le dimanche matin par une patrouille allemande et nous avons été faits prisonniers à ce moment là et nous étions sur
la frontière espagnole puisque après le passage de la forêt d'Iraty, nous avions défilé, nous étions sur la frontière espagnole, à
quelques kilomètres - peut être un kilomètre - et nous avons été «faits aux pattes», ce ne sont pas les gardiens allemands qui nous
ont vu, ce sont les chiens qui nous ont aperçu. Les chiens ont aboyé, les gardiens sont apparus sur la crête de la montagne puis ils
ont commencé à tirer, ce qui fait que les 17 bonhommes, dont je faisais partie, ont levé les mains. Et nous avons été reconduits à
ce moment là sur un petit village dont je n'ai pas la mémoire du nom. Je pensais que c'était Esterencuby qui se trouve aussi en pays
basque et j'y suis revenu il y a une dizaine d'années avec ma femme et j'ai rien reconnu. Et puis, je n'ai pas pu savoir si vraiment
nous avions été amenés là. Toujours est-il qu'ils nous ont ramenés, ils étaient trois avec deux chiens, dans ce village que je
suppose être Esterencuby mais je n'en suis pas sûr... Et nous n'avons fait qu'un passage et on nous a amenés de suite à St-Jean-Pied
-de-Port à la prison des Evêques. Je ne sais si quelqu'un vous l'a dit, je ne sais pas car Ducos a été arrêté sur les Pyrénées
Orientales, je crois, et Chataigné, je ne sais pas. Nous avons été emmenés à St-Jean-Pied- de-Port dans la prison des Evêques qui
est un endroit où l'on enfermait autrefois les évêques, mais au XIVème ou XVème siècle. C'était... c'est une prison que l'on
visite toujours maintenant ;un établissement dans une rue qui part du village de St-Jean-Pied-de-Port qui va à la Tour plus
haut et on descend. Il y a une cave, une pièce qui fait, je ne me rappelle plus, peut être 50 m2. On nous a parqué là pendant une
quinzaine de jours en attendant de nous transférer à la citadelle. On nous a transféré à la citadelle où nous étions mieux logés.
A partir de ce moment là, nous étions nourris par un restaurateur du village, nous avions un repas par jour. Un repas assez copieux:
des haricots, de la saucisse, de la charcuterie. On ne «crevait pas de faim». De St-Jean-Pied-de-Port, je suis venu au Fort
du Hâ à Bordeaux, à l'annexe du Fort du Hâ à Bordeaux, la caserne Boudet où nous avons dû rester une quinzaine de jours à peu près.
Dans les cellules, nous devions être 25 ou 30. n y a quelque chose qui m'avait marqué, en arrivant, car j'y ai été propulsé là dedans,
j'ai été projeté parce que les Allemands m'ont bousculé un petit peu; et j'ai retrouvé un camarade, André Labeyrie, qui était
du même groupe que moi mais qui lui avait été arrêté quelques jours plus tôt dans le train entre Dax et Bayonne. C'est lui qui
m'a accueilli. Donc après, nous sommes arrivés à Compiègne fin avril peut être le 22 ou le 23 avril. A Compiègne, nous sommes restés
une quinzaine de jours encore et j'ai retrouvé à Compiègne deux autres camarades de Mont-de-Marsan : Roger Lapios et Paul Cassou,
qui eux étaient dans le même groupe qui étaient partis à une autre date, qui avaient réussi à franchir la frontière espagnole,
qui ont été internés à Verra par les Espagnols et lesquels Espagnols les ont envoyés 48 heures après aux Allemands. Nous nous
retrouvions à 4 sur les 5, à 4, tous les 4 arrêtés. il y a d'autres groupes qui sont passés sans «anicroche», sans encombre mais
nous, 4 sur les 5, nous étions tous les quatre arrêtés !
A partir de ce moment là, le séjour à Compiègne s'est effectué durant une quinzaine de jours aussi puisque j'ai été arrêté le 14
mars, St-Jean-Pied-de-Port, Caserne Boudet et Compiègne. Et nous avons formé ...enfin les Allemands ont formé un convoi sur
Sachsenhausen le 8 mai 1943. Je pense que là nous retrouvons les dates de Ducos et Chataigné parce que nous nous identifions par
nos matricules, nous faisons partie de la série des 66.000. Donc le 8 mai, nous quittons Compiègne ; nous arrivons le 10 mai
1943 à Sachsenhausen en pleine nuit, je crois que cela devait être 3 heures du matin. Jusqu'alors nous ne savions pas où nous
allions, on pensait qu'on allait nous faire travailler, et puis ce qui nous a frappé, c'est de voir dès que les cloches ont sonné,
de voir arriver des gens en pyjamas. On n'a pas compris, même là, quand ils sont en pyjamas. Et effectivement, ces «pyjamas», nous
allions les porter quelques heures après. [ silence] Il y a une particularité quand même parce que Roger Lapios a été tondu en
même temps que moi sur un banc en face du mien et lui, il se « payait de ma tête » parce qu'il me voyait sans mes cheveux et moi,
je me «payais de la sienne» parce que je le voyais égal. [rires ] Et, nous avons fait notre quarantaine là. Ca consistait en quoi ?
Ca consistait d'abord à apprendre les rudiments de l'armée qui était l'armée vainqueur à ce moment là-et à marcher, à marcher au
pas, les commandements, le garde-à-vous, les saluts, les saluts aux S.S. bien sûr et les repos et les appels. Les appels ne nous
ont pas tellement frappés là, au camp. Où ils m'ont frappé davantage, c'est à Buchenwald, à la fin, parce que c'était des appels
qui duraient une heure, une heure et demie, deux heures parfois et quand il fait -20°C, on a froid surtout quand on n'a pas grand
chose dessus et dans l'estomac.
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