La Résistance en Gironde.

Saint-Philippe-d'Aiguille.

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Bulletin hebdomadaire des Renseignements à l'attention de Monsieur le Préfet (Archives départementales).

En ce début d'avril 1944, une vaste opération de représailles s'abattit sur la Dordogne. Le bulletin hebdomadaire établi par les Renseignements généraux nous en donne le détails:
Le mardi 4 avril 1944, à 6 heures du matin, une vaste opération de police a été entreprise par les troupes d'occupation, en zone occupée, dans la région délimitée par St-Aulay, la Jemailles, Echourgnac, St-Barthélémy du Double, St-Michel du Double, St Laurent des Hommes, Villamblard, Tocane. Dix mille hommes de troupes blindées y ont pris part (chars légers, chars lourds, automitrailleuses, aviation) Y participaient la Sicherheitspolizei de Bordeaux et, à la demande des autorités allemandes, 15 fonctionnaires de la Section des Affaires Politiques.(1)

Avril 1944, la gendarmerie enregistrait différentes actions entre Ribérac-Nord et Castillon-Sud. Attaque de coopérative épicerie, dépôt de tabac, dépôt d’essence, bureau de perception… Butin: tabac, cigarettes, briquets, essence, mais aussi numéraire et bijoux chez des particuliers.

Ce procès-verbal de gendarmerie est quelque peu tempéré par le compte-rendu établi par le service des Renseignements généraux à l'attention de Monsieur le Préfet. Ainsi on peut lire:
Le dix-sept avril 1944, à 04h30, quatre individus armés de mitraillettes, se sont présentés au domicile de Mme Bonnemaison, tabac, épicerie à St-Philippe-l'Aiguille (Gironde) et, sous la menace de leurs revolvers, ont exigé la remise de 135 paquets de tabac, 1 kilo de sucre (!), 2 paquets de café (!) et 250 grammes de chocolat (!). Ils ont laissé 15 paquets de tabac pour les prisonniers, ont payé le tout et laissé un papier constatant l'opération signé "F.T.P.F."

Cette bande est identifiée comme celle qui a opéré à Monpon le 11 avril et à St Antoine sur Isle le 14 et 15 avril.

On ignore le moyen de locomotion et la direction prise par ces individus.

Le 17 avril, à Saint Barthélémy de Bellegarde, deux gendarmes sont neutralisés en voulant contrôler deux motocyclistes escortant un véhicule de tourisme qui transportait cinq hommes.

A Castillon, le 22 avril, une patrouille de gendarme échangeait des coups de feu avec un groupe d’individus armés de mitraillettes.

Devant ces diverses actions, des opérations de police étaient effectuées dans la région par la Section des Affaires Politiques (2) et les troupes d’occupation provoquant la dislocation de différents éléments de la Résistance locale, parmi eux l’éclatement d’un détachement de F.T.P. d’un maquis de la Double. Un groupe, sous le commandement de « Papa » se retirait dans la ferme de « Bouzy », chez les Peyrat, refuge bientôt connu de l’adjudant de gendarmerie de Castillon.

Le capitaine de gendarmerie Garde mettait alors sur pied une opération. Ayant fait appel à des volontaires parmi ses hommes, il dut avoir recours au hasard pour les sélectionner devant l’afflux de candidatures.

L’attaque de la ferme du « Bouzy » devait avoir lieu dans la nuit du 24 au 25 avril 1944; les gendarmes étaient aidés par des militaires des troupes d’occupation cantonnées à Castillon. En place vers 1 heure du matin, les gendarmes avaient pour ordre d’attaquer au petit jour. Mais les encerclés ne restaient pas en place; ce n’était qu’allées et venues. Le plan d’attaque fut donc changé. Il fut décidé d’opérer sur le champ.

Des coups de feu furent échangés en pleine obscurité. Une grenade lancée dans la ferme tua Madame Henriette Chaubard, épouse Peyrat, qui s’était jetée en avant pour protéger ses trois enfants.

A la fin de l’assaut étaient arrêtés: Sens Raymond, Sens Micheline née Blanchard, Chaubard Micheline épouse Monmarin, Malmoustier Paulette née Queuille, Peyrat Camille. A noter que Micheline Sens était blessée en cinq points différents. Les autorités allemandes, considérant que ces individus constituaient un danger pour les troupes d’occupation, ont demandé à ce qu’ils soient remis entre leurs mains. Certains seront « tabassés ». Tous seront déportés.

La gendarmerie emporta une importante somme d’argent, quelques bijoux, des montres, un fusil de guerre américain à dix coups avec les cartouches et 18 chargeurs complets.

Enfin, le verrouillage des lieux n’ayant pas été parfait, et grâce à l’obscurité, trois hommes avaient pris la fuite. Le capitaine Garde assurait que deux de ces hommes étaient grièvement blessés. Du côté « forces de l’ordre »: un gendarme était blessé mortellement, le gendarme André Réon.

A noter, de plus, les arrestations de Marie-Louise Chaubard, mère d’Henriette et d’Andrée, ainsi que celle de Louis Monmarin, époux d’Andrée Chaubard. La déportation les attendait.

Il faut encore inscrire au bilan de cette triste journée, la présence de trois orphelines, qui, leur vie durant, allaient devoir faire face à la rumeur, aux doutes tout en restant à la recherche de parents trop tôt disparus.

Les troupes d’occupation avaient laissé la gendarmerie française procéder seule à l’investissement de la ferme du « Bouzy »; elles restaient en lisière. L’opération de police allait se poursuivre avec l’aide de quinze inspecteurs de la brigade « Poinsot », (la Section des Affaires Politiques) s’alliant, sur la demande de la « Sicherheitspolizei », à des fonctionnaires allemands. La troupe était, elle-aussi, à la recherche des fuyards. C’est ainsi que l’un d’eux ayant été repéré dans la région de Puysseguin était traqué, à la fois, par la gendarmerie de Lussac et les troupes d’occupation qui, mettant un char à ses trousses, pensaient l’avoir touché par un obus à balle. Malgré ce déploiement de forces, les trois individus en fuite ne semblent pas avoir été retrouvés par la suite.

Voici donc le déroulement des faits établi après consultation des derniers documents d’archives mis à notre disposition. Devant le déploiement des forces utilisées, tant par la Section des affaires Politiques que par les troupes d’occupation, est-il encore possible de voir dans l’affaire de « Bouzy » une simple affaire de droit commun ?

La presse locale, en particulier « l’Union Républicaine du Libournais », annonçait, le vendredi 5 mai 1944, la prise d'assaut par la brigade de gendarmerie de Libourne, à laquelle s’était jointe celle de Castillon, d’un repaire de terroristes. Seule, fut signalée la blessure du gendarme Réon, décédé en réalité le 29 avril; aucune information sur le décès de madame Peyrat.

1°) Présence confirmée par note Pol.Sûr n°6.935 du 27 avril 1944.

2°) On notera la présence de l'inspecteur Célérié adjoint du commissaire Poinsot.