de Libération nationale "Marc". Les arrestations. |
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Le Corps-Franc de Libération Nationale, Raymond Trausch.
historique des unités combattantes de la Résistance, Général de la Barre de Nanteuil,
Front du Médoc, Brigade Carnot.
Source Centre Jean Moulin
Témoignage André Jolit (Lamusique)
En liaison, comme chaque semaine, avec « Marc » (Lucien Nouaux) à Bordeaux le lundi 26 juin 1944, je commence la matinée
en me rendant rue Rieuzac, où l’équipe d’André Bouillar (le Basque) a établi son PC et loge chez la famille de France.[1]
Mais ils ne sont pas là, car ils ont un rendez-vous important, me dit-on, avec des « chefs », rue Elie Gintrac. Un peu
par curiosité et pour retrouver mes amis (avec qui je dîne souvent) je me rends à cette rue Elie Gintrac, mais, à quelque distance
de celle-ci, je suis surpris par une vive fusillade à proximité et je rebrousse chemin.
(Marc que nous rencontrerons Bouillar et moi, dans l’après-midi, nous dira avoir effectué le même repli, surpris lui aussi par
l’intensité des coups de feu.)
Voulant en savoir plus, je retourne rue Rieuzac, et, quelques instants après mon arrivée, le Basque et Mouchet (Jeannot) arrivent
très excités et nous disent être tombés dans un traquenard à défaut de rencontre entre résistants. Capdeville (Jules) arrive à son
tour, lui aussi un peu bouleversé par les instants intenses mais pénibles qu’il vient de vivre. Je lui fais remarquer un trou dans
son béret ; c’est une balle de revolver qui est passée près.
Chacun raconte sa version, son attitude et la façon dont ils ont pu se sortir du mauvais pas dans lequel ils étaient tombés.
Mais il en manque un, c’est Fabas (Lulu), et il n’arrive pas, pourtant il ne devrait pas être loin. Que faire?
Je laisse mon Webley [2] et vais me rendre compte sur le terrain et rechercher Lulu. Quand j’arrive rue Elie Gintrac il y a plusieurs
personnes formant attroupement et je demande ce qui s’est passé !!
monsieur, ce sont des terroristes qui ont ét abattus par la police, d’autres se sont enfuis, ils avaient de grands pistolets.
[3]
Deux « hirondelles » me confirment, bien qu’ils soient arrivés « après la bataille ».
Je suis bouleversé, convaincu que ce pauvre Lulu a été une des victimes ; je ne peux en entendre davantage et je reviens
lentement au PC de Bouillar, me demandant comment annoncer la mauvaise nouvelle et prendre des dispositions de sécurité.
Quand j’arrive, on bavarde fort dans l’appartement et cela s’entend. Quelle est grande ma surprise de voir Lulu qui dîne et me dit
avoir rejoint après avoir fait un long détour. Je lui tiens compagnie et, petit à petit, je reconstitue les origines de cette malheureuse
affaire.
André Bouillar a rencontré Renaudin, résistant proche de Grandclément qui lui dit que Grandclément n’était pas un traître comme
l’avait annoncé la radio anglaise, sur intervention de Marc auprès d’Aristide (major Roger Landes du réseau Burkmaster-Londres le
vrai). Il demanda une rencontre avec Aristide, Marc… pour une mise au point. Il fixait un rendez-vous rue Elie Gintrac le 26 juin
à 11h00.
Aristide n’a pas voulu venir (dixit Marc) et Marc se trouvait en chemin (voir plus haut).
Bouillar était furieux d’être tombé dans un guet-apens de la Gestapo, alors que Renaudin brillait par son absence ainsi qu’aucun
des proches de Grandclément.
Chacun était convaincu que Renaudin avait renseigné (ou fait renseigner) la police allemande car, pour se trouver en nombre à cet
endroit précis, il n’y avait pas de hasard ! et qu’il devait être éliminé. (J’ai appris, par la suite, qu’il y avait eu concertation
des responsables pour prendre cette décision.).
Il ne fait aucun doute que si le traquenard avait réussi pour les Allemands, nos amis, comme plus tard Mouchet (Jeannot), auraient
été fusillés à Souge (et pas déportés).
Malheureusement, l’agent de laison d’Alban Bordes (Georges), le jeune Max Coyne, présent sur les lieux, a été arrêté par la Gestapo
et a disparu (sans que je puisse affirmer s’il est mort sous la torture ou fusillé).
Je ne puis témoigner de la suite donnée à cette affaire dont la conclusion a été, d’une part, Renaudin abattu et, d’autre part, la
mise hors de combat au cours de cette action de Danglade (Dréan), adjoint de Marc, blessé, arrêté et laissé sans soins pour mourir
en août 1944, et Mouchet (Jeannot), blessé par un policier français à la suite d’une méprise et qui sera fusillé à Souge.
Jeannot, torturé, a parlé, mais il a « promené » les Allemands du plus loin au plus près, ce qui a permis la dispersion
des camarades qu’il connaissait.
Je connais tous les détails par le 3ème homme présent, Georges Fabas (Lulu) adjoint de Bouillar.
Je joins à mon témoignage la relation écrite des évènements de la rue Elie Gintrac qui a été rédigé par Fabas, quelques temps après
la libération, à la demande du commandant de gendarmerie Bouillar (père du Basque). Elle complète mon propos et doit y être incluse.
En conclusion, on peut se rendre compte que peu de résistants ont été impliqués dans cette affaire tragique qui nous a coûté cher.
La plupart des relations et des écrits sur ce sujet, tiennent davantage du roman que de la réalité et la responsabilité de Renaudin
ne ressort pas clairement dans ce que j’ai lu. Il n’y a pourtant pas d’équivoque, ni pour moi, ni pour mes camarades.
[1] France était la jeune fille de la maison de la rue Rieuzac, elle effectuait des liaisons au sein du corps franc « Marc », et accompagnait des aviateurs alliés tombés sur le territoire et rejoignant l’Espagne, de Bordeaux à Bayonne (filière ancienne de Capdeville (Jules) et le Basque Bouillart).
[2] De 1887 à 1915, les revolvers d'ordonnance Mk I-VI ont connu la Guerre des Boers, la Révolte des Boxers et la Grande Guerre. Fabriqué à 300000 exemplaires par Webley entre 1915 et 1921 puis par l'Arsenal royal d'Enfield, le gros Mk VI a été largement utilisé par la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Afrique du Sud durant la Seconde Guerre mondiale et jusqu'à la fin des années 1950. Il fut alors remplacé par le Browning Hi-Power. Il constitua l'arme de service de nombreux officiers et policiers des pays du Commonwealth, les FFI ,FFL et l'IRA.
[3] La culasse des révolvers « Colt » (11/43) reste en arrière à la fin du tir, ce qui donne l’impression d’une arme longue.