Mérignac, sous l'occupation.
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Le mardi 29 août, Gaston Cusin prit officiellement ses fonctions
de commissaire de la République à Bordeaux. La nouvelle autorité préfectorale fut mise en place.
La municipalité Benjamin Saufrignon fut dissoute par arrêté du commissaire de la République. Dans
Sud-Ouest, n°1, de ce jour, le Comité départemental de Libération lança un appel à la
population.
Le mercredi 30 août, la divagation anarchique des F.F.I. dans l'agglomération bordelaise
depuis deux jours commençait à inquiéter la population, d'autant que 4.000 à 5.000 Allemands
étaient en mouvement de repli dans la poche du Verdon et pouvaient menacer Bordeaux à tout moment
et que la venue des 12.000 F.T.P. et de 6.000 combattants espagnols des maquis français faisait
craindre, à tort ou à raison, l'établissement d'un pouvoir soviétique dans le sud de la France
(Toulouse - Bordeaux). A Mérignac, Robert Brettes aurait annoncé la création, en date du 20 août
précédent, d'un groupe F.F.I. de Mérignac fort de 2 officiers (lui-même lieutenant, dit Sancerre
et Joseph Boidron, lieutenant, dit le Colonel), de 20 sous-officiers et de 250 hommes.
Le jeudi 31 août, Marcel Torrès, 19 ans, fut tué prés de la Maison carrée d'Arlac dans
des circonstances inconnues. Ce jour, Benjamin Saufrignon signa le dernier acte de son administration.
Le vendredi 1er septembre, Robert Brettes, à la tête d'une autorité de fait appelée
"Commission municipale" ou "Délégation municipale", s'installa à la Mairie pour exercer l'autorité
municipale et commença à agir, malgré la dévolution provisoire de l'administration des affaires
courantes et des fonctions d'officier public de l'état civil conférée à Pierre Dufour, secrétaire
général de la Mairie, en vertu de l'arrêté du commissaire de la République du 29 août précédent
(cette autorité de fonctionna jusqu'au 26 septembre; le 24 septembre, le
Commissariat de la
République se rendit compte de l'existence de ce pouvoir de fait et demanda une enquête aux
R.G. sur les membres de cette délégation; celle-ci rendit alors au secrétaire général de la
Mairie, le 26 septembre, les pouvoirs qui lui avaient été conférés le 29 août; le 1er octobre
fut établi la liste de la délégation municipale spéciale régulière, deux membres de la liste
proposée furent écartés pour des motifs tirés de la moralité publique et remontant à
avant-guerre; la délégation commença aussitôt à agir, ses membres furent officiellement nommés
le 3 octobre par arrêté du commissaire de la République et officiellement installés le 7 octobre;
elle resta en place jusqu'au 13 mai 1945). Robert Brettes imita t'il le geste du colonel Edouard
de Luze qui s'était proclamé président d'une délégation municipale de fait à Arcachon le 23 août
précédent? Fut-il encouragé à le faire par la publication le 31 août d'un arrêté du commissaire
de la République qui validait les actes accomplis par les autorités municipales de fait en Gironde
pendant le mois d'août, à la demande exprès du Comité départemental de Libération? On ne sait.
Le 5 septembre, Benjamin Saufrignon, dénoncé comme indésirable, fut arrêté par voie de
fait et incarcéré à la maison d'arrêt de Bordeaux (Fort du Hâ) (libéré le 20 septembre sans
qu'aucune charge ne fût retenue contre lui, il fut mis en résidence surveillée au Cap-Ferret,
puis à Arcachon dans sa propriété de Pyla-sur-Mer; le dossier d'accusation monté contre lui fut
classé sans suite le 29 janvier 1945 par la Commission de la Cour de justice de Bordeaux; cependant,
il fut assigné à résidence à Neuilly sur Seine sans qu'on lui ait signifié les motifs).
Les problèmes posés par la divagation des F.F.I. dans l'agglomération bordelaise furent
résorbés, d'abord par la venue à Bordeaux du général Chaban-Delmas, délégué militaire national,
le 6 septembre qui établit l'état de siège en Gironde le même jour, avec couvre-feu à 22h30, et
qui réorganisa le commandement militaire de la région B (XVIII° région) le 9 septembre.
La mesure fut complétée peu après par la venue du général Rollot, représentant du général
Koenig, chargé d'incorporer les F.F.I. dans l'armée régulière reconstituée.
Enfin, le 17 septembre, le général de Gaulle, en atterrissant à Beutre, 4 ans et 3 mois
exactement après l'avoir quitté, venait réaffirmer, là où il l'avait vue se disloquer, l'autorité
de la République.
Robert Brettes, devenu maire, fut autorisé à faire apposer à Beutre près de la base
aérienne une plaque commémorative de l'envol du 17 juin 1940, par le général de Gaulle, le 5
novembre 1945. Cette plaque fut inaugurée le 10 novembre suivant en l'absence du général. Cependant,
celui-ci remercia le maire de Mérignac dans une lettre qu'il lui adressa de Colombey-les-Deux-Églises,
le 1er juillet 1946.
A la date où nous nous arrêtons, la guerre était encore loin d'être finie et d'autres
souffrances, d'autres deuils attendaient les Mérignacais jusqu'à la victoire, mais aussi d'autres
luttes et d'autres espérances. Mais ceci était alors une autre histoire.