Biographie.
Résistants honorés.
Tramasset Edgard Mathieu




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Témoignage de René Tramasset.
Histoire de la Résistance, tome 7, Henri Noguères.
L'affaire Grandclément, Dominique Lourmier.
Bordeaux 1940-1944, René Terrisse.
Chroniques de souffrance et de lumière, Pierre Boyries.

Témoignage de
René Tramasset
Témoignage de
Pierre Tramasset

Tramasset Mathieu Edgard
Membre du réseau "C.N.D. Castille"
Pseudonyme: Sèvres
Agent P.2
Grade Sous-lieutenant
Déporté sous le matricule 44.955



Edgard Mathieu Tramasset habitait, au début des hostilités, dans le premier arrondissement de Bordeaux, à Bacalan, quartier portuaire où Allemands et Italiens menaient, avec célérité, la construction d'une base sous-marine nécessaire aux forces de l'Axe pour maintenir leur présence dans cette partie de l'Atlantique. Depuis le début des hostilités, les forces alliées s'efforçaient de contrarier s'ils ne pouvaient stopper la marche des travaux. Les bombardements étaient donc fréquents au-dessus de leurs têtes. Quelques victimes, peu de dégâts, jusqu'à cette journée du 17 mai 1943 où, vers 12h30, l'aviation américaine s'inscrivit, pour la première fois, dans le ciel bordelais. Délaissant l'altitude de 3.500 mètres utilisée le plus souvent par les appareils anglais, les pilotes U.S calés entre 6.500 et 8.000 mètres déroulèrent le "carpet bombing", provoquant 184 tués parmi la population civile, 275 blessés et près de 2.000 sinistrés. Ajoutons à cela la destruction de 200 habitations.

A la suite de cette opération de nombreuses familles furent évacuées; les Tramasset se retrouvèrent, toujours en Gironde, dans la commune de Castres-Beautiran. Par la suite, ils purent retrouver leur maison de Langoiran, libérée enfin de ses locataires. Loin des bombardements, les enfants se retrouvèrent coupés de toute activité scolaire, celle-ci s'étant brutalement arrêtée le 17 mai 1943 en amputant leur avenir scolaire et professionnel.

Edgar Edouard Tramasset travaillait avec le commandant Jean Duboué qui, avec le commandant Paillères, se trouvait à l'origine du réseau "Scientist" qui avait pu entrer en contact avec le SOE dès l'automne 1941. Jean Duboué était propriétaire d'un petit café, quai des Chartrons. En juillet 1942, Claude de Baissac prend le commandement de ce groupe qui est chargé de recenser des terrains de parachutage et de recruter des comités de réception. Sous l'impulsion de Jean Duboué, une dizaine de terrains sont homologués dans les secteurs de Cadillac, Sauveterre-de-Guyenne, Saint-Exupéry et Saint-Michel de Rieufret.

Témoignage de René Tramasset
Plus tard, bien que n'étant encore qu'un enfant, je me suis aperçu que mon père, chef d'éqipe aux Aciéries de Longwy, avait des activités autres que professionnelles; il sortait parfois la nuit (j'ai appris plus tard, qu'il s'absentait pour participer à des parachutages). Certaines missions qui lui étaient confiées nécessitaient des absences prolongées. Pour cela, et pour ne point éveiller la méfiance de ses employeurs, il alla jusqu'à se brûler volontairement un avant-bras afin de disposer de quelques jours d'arrêt d'accident du travail.

L'affaire Grandclément.

L'affaire Grandclément commençait le 19 septembre 1943. Ce jour là, André Grandclément était arrêté à Paris. Transféré à Bordeaux, il était traité directement par le chef de la Gestapo bordelaise, Dhose. Henri Noguères rappelle, en page 40 de son ouvrage, les notes de M.R.D Foot, historien du SOE sur cette affaire. Analysant le plaidoyer écrit par Grandclément, le 10 juillet 1944, il conclut ainsi:

Il pensait en toute honnêteté n'avoir pas trahi son pays. Personne, disait-il, n'avait été arrêté par sa faute et il estimait avoir fait son devoir de Français non seulement avant mais aussi après son arrestation."

La conclusion d'Henri Noguères est davantage nuancée.

C'était là une vue très personnelle des choses. Dès octobre 1943 en tout cas, après la sanglante affaire de Lestiac, Grandclément ne pouvait plus prétendre ignorer quelles avaient été les conséquences véritables de son choix.

En octobre 1943, le lieutenant Kunesch découvre chez un ressortissant belge qu'il vient d'arrêter, un dénommé Veerhelst, des documents importants. Interrogé énergiquement celui-ci reconnaît appartenir au SOE et donne des noms ainsi que les emplacements de dépôts d'armes. Parmi les noms livrés celui de Desbouillon, membre de l'équipe de Jean Deboué. Cet homme, soupçonné de vouloir éliminer sur ordre des inspecteurs du commissaire Poinsot est particulièrement pris en main par cette équipe; il avouera connaître l'adresse de Duboué, à Lantiac. Il y conduira Dohse et ses troupes. Averti de l'arrestation de Desbouillon, par la femme de Grandclément, Deboué décide à cet instant de passer à Lantiac récupérer deux postes reçus d'un précédent parachutage.

Dans la maison de Lestiac se trouvait un des dépôts d'armes divulgués aux Allemands par Grandclément. . A l'aube du 14 octobre 1943, les Allemands encerclent la maison dans laquelle se trouvent outre les Duboué, l'instructeur de sabotage Victor-Charles Hayes.

Aux premières sommations, une balla perdue tirée par Hayes. Le combat s'engage. Les Allemands demandent des renforts à Cadillac et à Langon équipés de mitrailleuses lourdes. Hayes est blessé au bras et à la jambe, madame Duboué est touchée au ventre; Jean Duboué décide de se rendre.

Jean Duboué est conduit au KDS, son épouse à l'hôpital Saint-André, Hayes à l'hôpital Robert Piquet, mademoiselles Duboué arrêtée. Seule, madame Duboué ressortira libre après son hospitalisation.

Témoignage de René Tramasset:
Mon père avait assisté de loin à cette arrestation. Sachant que son tour allait venir, il prépara ma mère à cette éventualité en lui donnant quelques consignes pour essayer de nous protéger, il a préféré se laisser arrêter plutôt que de se "planquer" et de disparaître un certain temps. Il savait que nous risquions d'être internés à sa place, chose lourde de conséquence pour nous.

Je ne le remercierai jamais assez d'avoir sacrifié sa vie pour sauver sa famille ainsi que d'avoir combattu pour notre liberté.

Quelques jours plus tard, il est arrêté sur dénonciation, comme le commandant Duboué, par la Gestapo aidée pour cela par la police française de la SAP.

Suite et conséquences.

Témoignage de René Tramasset.

L'arrestation de mon père laissa:
Une femme de surcroît enceinte,
Pierre Mathieu, né le 21 juillet 1926,
René Julien, né le 25 décembre 1928,
Jacqueline Anne, née le 31 janvier 1933,
Mathieu Simon, né le 31 janvier 1935,
Jean Mathieu, né le 9 octobre 1939.

Une famille de cinq enfants à charge, sans argent, sans revenu puisque le salaire de mon père avait disparu.

Une fois rétablie, madame Duboué nous a apporté un grand soutien moral et, chose très appréciable, nous portait des légumes qu'elle cultivait dans son jardin. Cela nous aidait à vivre. Car, après l'arrestation de notre père nous avons connu toutes les privations imposées par l'armée d'occupation: la faim, le froid de l'hiver; malheureusement, de plus, il nous fallu connaître les humiliations quotidiennes que les gens du voisinage entendaient nous faire subir. Nous considérant comme des enfants de terroristes ils refusaient le moindre contact avec notre famille de peur de représailles. Combien de fois, pour ne pas nous rencontrer , traversaient-ils la rue et prenaient-ils le trottoir d'en face?

A l'exception de ma grand-mère et de mon grand-père maternel, le restant de notre famille ne nous parlait plus. Il a bien fallu nous débrouiller par nos propres moyens.

Ma mèe, qui était enceinte, a perdu son sixième enfant et, pour gagner un peu d'argent, allait faire des ménages.

Malgré notre éloignement, mon frère aîné a été réquisitionné dans l'usine de Bacalan qui avait employé mon père avec obligation de faire le pointage de sa présence sous peine d'être lui-même arrêté. De temps en temps, nous avions des contrôles de police.

Au début, pour ma part, je suis allé travailler chez un boulanger pendant deux mois, juste pour un peu de pain en guise de salaire. J'embouchais pendant le couvre-feu, à trois heures du matin, entre deux patrouilles allemandes. Je travaillais ensuite dans une tonnellerie pour un tout petit salaire. Mon travail consistait à trier des douelles de barriques et de les transporter sur une charrette attelée avec une courroie autour de la taille; bien content d'apporter un peu d'argent à la maison.

Avec le travail de ma mère, celui de mon frère et le mien, nous arrivions à survivre. Pas question d'aller voir un
médecin lorsque nous étions malades, car nous n'avions aucune couverture sociale.

Nous avons appris que notre père avait été torturé au fort du Hâ. C'est un détenu pour marché noir, qui avait partagé la cellule de notre père qui nous le fit savoir. Par la suite, nous avons connu sa déportation à Buchenwald à la réception d'un avis nous demandant de lui adresser un colis de vêtements.

La Libération.


Témoignage de René Tramasset. A la Libération, notre proche voisin, collaborateur notoire, est venu nous apporter un panier de fruits, chose que ma mère a aussitôt refusé.

Au début de la Libération, la chasse était interdite. Les gendarmes ayant confisqué du gibier tués, le Brigadier de gendarmerie nous en fit profiter.

Ma mère ayant récupéré des parachutes cachés sous une pile de sarments de vignes, dans une cuve à vin chez mon grand père, nous a fait des chemises.

Le commandant Duboué est revenu de déportation, quoique bien malade et ayant perdu une jambe. Il nous a décrit le parcours qu'il a effectué avec notre père. Bien que le commandant soit parti de la caserne Boudet et notre père du fort du Hâ, ils se retrouvèrent à Compiègne. Depuis ce moment là ils ont eu la chance de pouvoir rester ensemble. Partant de Compiègne par le dernier convoi, en janvier 1944, pour le camp de concentration de Buchenwald, ils étaient transférés d'abord au camp de Dora, puis à Ellrich où notre père décéda au mois de novembre 1944.

Grâce aux démarches et aux attestations du commandant Duboué, ainsi qu'à l'aide que nous apportèrent deux membres du réseau "C.N.D. Castille", rescapés des camps de concentration, nous avons enfin retrouvé une vie normale.

Pour moi, ceci n'est rien par rapport à l'humiliation et à la souffrance physique et morale de tous les déportés à qui je me permets de rendre un grand homage.





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