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Le départ du Massilia |
Départ de l'eau lourde |
Le Lansquenet. |
L'Or de la B.d.F |
La Boudeuse. |
Extraits de "Chroniques de souffrance et de lumière" de Pierre Boyries.
3 filles, 20 garçns, la résistance en Gironde, Michel Slitinsky.
Bordeaux, 1940-1945, René Terrisse
Le départ du "Lansquenet".
Le 17 juin 1940 à midi et demi, à la radio française, le maréchal Pétain s’efforce de faire accepter
l'armistice aux Français. Le port de Bordeaux, porte sur l’Atlantique, abrite depuis l’estuaire de
la Gironde, plusieurs dizaines de bateaux sur lesquels attendent vingt mille hommes dans l’indécision
et le désarroi. Depuis le 14, les Allemands sont à Paris. Les faibles foyers de résistance rencontrés
sur leur route ne pourront ralentir leur marche; ils seront bientôt à Bordeaux.
Le temps presse. Déjà, les équipages du « Flandres » et du « de Grasse » refusent d’appareiller. Les
discussions sont rudes. Faut-il attendre les vainqueurs , Faut-il fuir pour continuer le combat ?
Et puis, en cale sèche, aux Chantiers de la Gironde, se trouve un torpilleur d’escadre, de classe
" Hardi ", de 1772 tonnes, lancé le 20 mai 1939 et toujours en attente de finition. Ce bâtiment de
111,60m est équipé de 2 turbines et de 4 chaudières; il est propulsé par 2 hélices. Sa puissance,
58.000 ch, sa vitesse, 37 nœuds. Son armement est constitué principalement de 6 pièces de 130 mm
puis de 2 canons de 37 mm, 4 mitrailleuses de 13,2 mm et 7 tubes lance-torpilles. Un équipage de 187
hommes est prévu.
Malheureusement, après quatre ans de travaux, le " Lansquenet " n'est toujours pas prêt à prendre la
mer. Les techniciens estiment que deux mois de travaux sont encore nécessaires. Deux des quatre chaudières
sont en état de marche. Une reste à monter. Les instruments de bord et les tourelles de 130 sont stockés
en atelier. Sur le quai, attendent la mâture et les passerelles. Tout le monde espère que la direction
des Chantiers et l'Amirauté vont enfin donner l'ordre de montage.
Pendant ce temps, les bruits les plus divers circulent; pour beaucoup l'abandon du " Lansquenet " est
acquis.
Il existe au sein, de l'entreprise, une chaîne des " 75 " à laquelle ont été affectés les syndicalistes,
les communistes enfin toutes les personnes pouvant être affectées par le pacte germano-soviétique. Et
c'est là que ce révèle André Sayo, porte-parole syndical âgé de trente ans et deuxième ligne au Club
Athlétique Lormontais. Pour lui, Il est indispensable de sauver le " Lansquenet ".
Deux hommes confirmeront ce souhait; deux officiers de l'amirauté, le lieutenant de vaisseau Géfrier
et le capitaine de frégate Péroux qui sont convaincus de pouvoir sauver le navire en travaillant trois
jours et trois nuits d'arrache pied. André Sayo appuie ce projet auquel va se joindre, grâce à lui,
l'ensemble du personnel. Enfin, l'ingénieur Dagremont s'associe à l'entreprise. Le pari sera tenu.
L'armement ne sera pas monté mais solidement arrimé sur le pont.
Le 18 juin ont lieu les essais de chaudière. Ils sont menés par Roger Lalanne qui cherche le résultat
maximum.
Les essais terminés, le " Lansquenet " vient s'amarrer auprès du " Beautemps-Baupré ".
Au même moment, l'état-major de la Luftwaffe se prépare à bombarder les installations portuaires de
la Gironde. La seule cible est elle le " Lansquenet " ? Sept bombardiers prennent l'air. Ils vont
survoler la rade du Verdon où ils mouilleront des mines dans les passes. Ayant connaissance de la
faiblesse de la D.C.A., ils s'infiltreront au dessus des appontements de Lormont qu'ils bombarderont,
puis, Bordeaux où périrent 63 personnes; 185 bordelais furent blessés.
Des bombes sont tombées à deux cent mètres du " Lansquenet ".
Au lever du jour, les remorqueurs se présentent et le prennent en charge pour l'emmener jusqu'à Pauillac.
A cet instant, l'un des participants nommé Dudon travaille sur les installations de la deuxième chaudière
lorsqu'un jet de vapeur le frappe; crachant le sang il est remplacé par André Sayo qui prend la précaution
de se protéger le corps et le visage par des serviettes mouillées. Le plein de mazout est fait. Les deux
chaudières sont en état de marche. Le 22 juin, au petit jour, le " Lansquenet " appareille par ses
propres moyens, c'est à dire à petite vitesse... Une superbe cible pour les batteries allemandes installées
au fort de Chay, près de Royan. Elles ouvriront le feu, sans succès. Le " Lansquenet " ne reviendra pas.
Ne pouvant rejoindre l'Angleterre, comme beaucoup le souhaiterait, c'est le cap sur Casablanca. La
traversée sera rendu difficile par une tempête aux lames déferlantes. Le bateau tremblera, vibrera
mais tiendra.
Casablanca voit arriver des hommes exténués mais satisfaits d'avoir gagner leur pari. Malheureusement,
leur foi patriotique ne s'accorde pas avec l'atmosphère déprimante qui règne sur la ville. Leur exploit
n'intéresse que peu.
André Sayo revint en France et entra dans la Résistance.
Le " Lansquenet " est dans le port de Casablanca. Malheureusement, il reviendra à Toulon. On le rebaptisera
le " Cyclone " en avril 1941. Mis en gardiennage, il est sabordé le 27 novembre 1942. Renfloué et remorqué
par les Italiens jusqu'à Impéria (FR.34). Il est saisi par les Allemands le 31 août 1943 (TA34) puis
sabordé par ceux-ci à Gênes le 24 avril 1945. Renfloué et ramené en France le 19 mars 1946, il est
non réparé et condamné le 22 septembre 1958.
L'escapade maritime.
Le "Lansquenet" ne fut pas le seul à prendre la fuite. Malgré le blocus allemand installé au large de l'estuaire, les navires amarrés dans le port de Bordeaux préparent un départ groupé. Il y a là le nombre et la diversité. Parmi eux, le paquebot "de la Salle", les avisos "la Gracieuse", "la Luronne", "l'Algéroise" et "la Minerve". A ceux-là viennent s'ajouter les remorqueurs et les caboteurs du Port Autonome. Convoi imposant qui ne peut passer inaperçu aux yeux de l'ennemi. L'aviso "la Boudeuse" se présente en tête à l'approche du Verdon. L'artillerie allemande ouvre le feu. Les avisos répondent. Puis "la Boudeuse", s'approchant de la côte, met en place un écran de fumée qui permettra au convoi d'atteindre l'Atlantique sans encombre. La route vers l'Afrique du Nord est ouverte. L'armistice doit entrer en vigueur quelques trente cinq minutes plus tard.
Histoire de la Résistance - Henri Noguères T1 42-45
Pétain - Marc Ferro 90 - 96
Sénateur | Gauche démocratique | de l'Ain | Révillon Tony |
Députés | Radical-socialiste | du Cantal | Bastide Paul |
de Corse | Campinchi César | ||
du Gers | Catala Camille | ||
du Vaucluse | Daladier Edouard | ||
des Ardennes | Delattre Gabriel | ||
de Dordogne | Delbos Yvon | ||
d'Alger | Guastavino Jean-Marie | ||
de Haute-Marne | Lévy-Alphandéri | ||
de l'Eure | Mendés-France Pierre | ||
de Haute-Marne | Perfetti Camille | ||
de l'Oise | Schmidt Jammy | ||
du Loiret | Zay Jean | ||
Socialiste S.F.I.O | d'Oran | Dubois Marius | |
de l'Eure | Dupont André | ||
du Pas-de-Calais | Dupré Léandre | ||
du Tarn | Grumbach Salomon | ||
de Seine | Le Troquer André | ||
du Cher | Lazurick Robert | ||
de Saône et Loire | Thomas Jean-Marie | ||
Fédération républicaine | de Seine | Denais Joseph | |
de la Manche | de La Groudière Bernard | ||
Communiste dissident (U.P.F) | de Seine | Brout Marcel | |
Gauche indépendante | du Sénégal | Galandou Diouf | |
Indépendant Républicain | de Gironde | Mandel Georges | |
Union socialiste et républicaine | des Ardennes | Viénot Pierre | |
Indépendant d'action populaire | de Moselle | Wiltzer Alexandre |
Il nous faut rappeler que, sur ces 27 parlementaires, 8 ont été arrêtés, emprisonnés, mis
en résidence forcée ou déportés. Georges Mandel et Jean Zay furent assassinés.
Donc, le 20 juin 1940, ces parlementaires se trouvent à bord du Massilia car ils
sont désireux d'accompagner le gouvernement qui a décidé, en Conseil des ministres, le
transfert de son siège à Alger, en Afrique du Nord. Les plus hautes personnalités de
l'État doivent embarquer à Port-Vendres, avec l'accord du maréchal Pétain qui, pour sa
part a décidé de rester en France. Camille Chautemps serait son représentant.
Les ordres ont été par donnés par l'amiral Darlan en personne, ministre de la Marine du
présent gouvernement. Voici donc le contenu de la note officielle:
"Le gouvernement, d'accord avec les présidents des Chambres, a décidé, hier 19 juin,
que les parlementaires embarqueraient sur le Massilia aujourd'hui 20. La rivière
ayant été minée à Pauillac, le Massilia n'a pu remonter à Bordeaux, comme prévu,
et est resté au Verdon."
Signé: Darlan |
Mais, le maréchal n'était aussi convaincu que l'on pouvait le penser. Conversant avec l'un
de ses amis, le sénateur Lémery, il demande son avis à ce dernier.
La réponse est nette: le gouvernement et le Parlement se déshonoreraient s'ils partaient
en Afrique. Quitter le territoire en emportant l'or de la Banque de France et abandonner
la population à la soldatesque d'Hitler, c'est encourir l'exécration et la flétrissure
publiques. Quant à la solution de conciliation qui envisageait le départ en Afrique du
vice-président du Conseil, Camille Chautemps, avec les ministres civils, alors que le maréchal
entouré du ministre des Affaires étrangères et des ministres militaires restaient en France,
elle apparaissait, au sénateur Lémery, comme la pire.
Mais le ver se trouvait dans le fruit. Dès le lendemain, seuls quelques députés et un
sénateur se préparaient au départ. Le maréchal, changeant d'avis, ne laisse partir ni Chautemps,
ni les ministres civils. Entre temps, Pierre Laval est intervenu violemment. Accompagné
d'une vingtaine de députés et sénateurs, il proteste contre le projet de départ. C'est
l'occasion pour Pierre Laval de déclarer que continuer la guerre serait une folie, alors
que l'Angleterre était sur le point de s'écrouler.
Le véritable problème était ainsi posé. Devait-on un non poursuivre le combat? Contre, le
groupe Marquet-Laval, une partie des parlementaires, Weygand, Baudouin, Bouthillier...
Et puis, le 19 juin, à 0 h 25, le gouvernement Allemand acceptait le principe des négociations.
L'hostilité à tout départ devenait général. Darlan, bien qu'ayant procéder à l'acheminement
des candidats à l'embarquement, écrivait à sa femme:
Ils sont crevants. Ils cherchent tous à se défiler par les voies les plus rapides et ils se précipitent à toute allure sur le Verdon où j'ai mis un paquebot à leur disposition. C'est beau de dire aux autres de crever et de se débiner... |
La touche finale sera donnée par Alibert qui s'offrira, à la fois, un mensonge et un faux.
Il affirmera ainsi au maréchal Pétain et au président Lebrun que, contrairement à ce que
l'on croyait, les Allemands étaient arrêtés sur la Loire. Donc, toute idée de départ devenait
inopportune. Albert Lebrun restait réticent. Alibert, utilisant le papier personnel du
maréchal, rédige, à l'attention des membres du gouvernement sur le départ, un ordre de
demeurer à leur domicile jusqu'au lendemain matin 8 heures. Interdiction de quitter la ville
sans instruction préalable. Lettre authentifié par le cachet du maréchal.
Ils partirent donc 27. Qualifiés de traîtres et de fuyards par les marins du Verdon, ils
seront accuser de déserteurs par le régime de Vichy.
Histoire de la Résistance - Henri Noguères T1 44-45
Le 20 juin étaient embarqués, à Bordeaux, à bord du Boompark battant pavillon britannique,
de mystérieux bidons contenant 185 kilos de produit "Z" ... Z comme Zoé. C'est le
stock d'eau lourde rapporté de Norvège, et qui a été entreposé pendant huit jours dans la
salle des coffres de la Banque de France de Clermont-Ferrand, puis pendant trois semaines,
dans une cellule de la maison centrale de Riom. Le produit "Z" était pris en compte, à
Bordeaux, par Lord Suffolk en personne, délégué de l'armement britannique. Décision
d'importance.
Dans le même instant, se jouait l'avenir de la Résistance en France. Le produit "Z" n'était
pas venu seul à Bordeaux. L'accompagnaient, entre autres, Frédéric Joliot, le professeur
Henri Moureu et ses collaborateurs Kowarski et Halban qui devaient escorter les précieux
bidons. Lord Suffolk avait proposé à Joliot de s'embarquer lui-aussi avec femme et enfants.
Tout semblait réglé lorsque Joliot interrogea le professeur Moureu sur le bien fondé de
sa décision.
"- Qu'est-ce que tu ferais à ma place? "
"- Ce que tu me demandes est très délicat... il ne faut pas oublier que tu es toi-même un porte-drapeau." Après un bref silence, Joliot dit simplement: "- Je crois que tu as raison, je reste... " |
C'était rester dans un pays exsangue, livré à l'occupant, où nul ne pouvait encore espérer trouver la flamme de la passion qui allait regrouper, d'abord quelques uns, puis d'autres... Nul ne pouvait penser alors que la présence de Joliot sur le sol français allait permettre la venue d'hommes de tous les horizons politiques.
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