Les Martyrs de la Résistance.
Les pilotes de la Gironde.

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Louis de la Bardonnie, CND - Castille.
Cahiers de la Résistance n°15



"Des plumes plus autorisées que la mienne diront l'extraordinaire importance que, dès les premiers jours de l'occupation, le port de Bordeaux acquit pour les Allemands et pour les Italiens."

"Cette importance met en vedette l'action remarquable de deux hommes: Jean Fleuret et Marie-Ange Gaudin, tous deux pilotes du Port autonome."

"Je connaissais Fleuret depuis 1932 par un de mes cousins: monsieur André Pauvert, lui-même également pilote, et, par eux, ai connu Gaudin un peu plus tard."

"Aussi, dès que notre embryon de réseau commença à fonctionner, je me rendis à Bordeaux contacter Fleuret, ne mettant pas un instant en doute qu'il marcherait avec nous; ceci dans les tout derniers du mois de juin ou les tout premiers jours de juillet 1940. J'appris alors par lui que Vichy l'avait révoqué, ainsi d'ailleurs que Gaudin et pas mal d'autres pilotes, parce que francs-maçons! Seulement, un pilote ne s'improvise pas - surtout pour une navigation aussi délicate et difficile que la Gironde - et les Allemands furent contraints d'avoir recours aux pilotes confirmés, révoqués ou non."

"Fleuret accepta d'enthousiasme de me fournir des renseignements et il fut convenu que nous nous reverrions sous huit jours; ce qui lui permettait de poser ses jalons. Effectivement, lorsque nous nous revîmes, il me donna des précisions de la plus haute valeur qui constituèrent l'essentiel du premier courrier que nous fîmes passer à Londres vià la Suisse, le 14 juillet 1940."

"Il en fut de même pour nos trois courriers suivants qui, par le même chemin, arrivèrent parfaitement à Londres où... ils parurent suspects tellement ils étaient de valeur."

"Dès que nos liaisons radio avec Londres furent établies, j'allais chaque semaine à Bordeaux et en revenais chaque fois avec une moisson plus riche."

"Syndic du pilotage de la Gironde, jouissant de l'estime affectueusement respectueuse de tout le personnel du Port, Fleuret était immédiatement informé du moindre mouvement devant s'effectuer entre Bordeaux et le Verdon et vice-versa."

"Dès qu'il fut possible, en mai 1941, de lui donner un poste émetteur qui fut confié à Gaudin (ancien officier radio du Colbert), Fleuret et lui organisèrent à Bordeaux une antenne d'une efficacité extraordinaire."

"Non seulement ils firent couler de nombreux cargos, des sous-marins et des ravitailleurs de sous-marins, mais ils tinrent Londres très exactement informé des mouvements de troupes, de l'établissement des fortifications sur la côte, des activités des aérodromes, de celles des usines et chantiers travaillant pour l'ennemi; rien ne pouvait échapper à leur vigilance."

"Il n'est absolument pas exagéré de dire, et même d'affirmer, que RIEN, absolument RIEN de ce qui valait la peine d'être signalé n'était inconnu des alliés. Pour parvenir à ces résultats, Fleuret, son fils Marc et Gaudin avaient recruté une quantité d'agents locaux; particulièrement des jeunes qui, avec une audace folle, pénétraient partout, voyaient tout et découvraient tout."

"Hélas! un traître s'infiltra parmi cette élite et, dans les premiers jours de juin 1942 l'antenne bordelaise fut entièrement démantelée par les Allemands."

"Fleuret, absent, échappa à la razzia ainsi que son fils, mais mme Fleuret fut arrêtée et elle mourut en déportation... dans les bras de mme Gaudin, arrêtée elle aussi peu après son mari."

"Les qualités morales et professionnelles de Gaudin étaient telles qu'au début de 1942 il fut remplacé à Bordeaux par un autre opérateur et appelé à Paris pour diriger tout le trafic radio du réseau qui avait pris une ampleur extraordinaire. Hélas! le traître connaissait son domicile et il fut arrêté le 10 juin 1942."

"Ce sinistre traître était - circonstance aggravante - quasiment un familier de Fleuret, ce qui explique l'étendue du désastre: 125 victimes au total, dont 49 déportations et 19 morts!"

"Ayant échappé par miracle à la rafle de juin 1942, Fleuret continua en zone libre à oeuvrer utilement, jusqu'en novembre 1942 où il fut arrêté à son tour. Grâce à de faux papiers que je lui avais établis, il berna la Gestapo pendant des mois et eût finalement échappé à ses griffes si Capri, qui se propageait sous l'uniforme nazi, ne l'avait reconnu à la sortie d'un interrogatoire et immédiatement dénoncé. Déporté à Buchenwald, Fleuret revint fort diminué physiquement. Nommé d'enthousiasme président de l'Amicale C.N.D. et officier liquidateur, c'est à lui et à lui seul que le réseau doit d'avoir été magistralement liquidé, sans un oubli, même des plus humbles et tous les camarades malheureux soulagés au maximum. Il n'accepta aucune décoration avant que les propositions établies par ses soins n'aient été dûment enregistrées et en voie certaine d'aboutissement. Fleuret fut sans conteste (avec Alex Tanguy), la plus belle figure du réseau."

"La mort subite de ce parfait camarade - terrassé par une affection contractée en déportation - fut un chagrin cruel au sein du C.N.D.-Castille et, sur le plan régional, un deuil dans tout le Bordelais."

"Marc Fleuret et sa jeune et charmante épouse, née Cabordery, sont morts à Toulouse tout au début de 1944, dans des circonstances aussi tragiques que mystérieuses."

"Puissent ces magnifiques exemples donner à comprendre à la jeunesse actuelle, qui doit à ses héros de pouvoir vivre heureuse et LIBRE, que les causes qui meurent sont celles pour lesquelles on ne sait plus mourir."