ENTRETIEN AVEC RENE DUPAU
Le 3 Novembre 1999 à Caudéran à 14 heures
Mémoire de Stéphanie Vignaud
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J'ai travaillé avec mes parents. Mais, quand je me suis marié,
j'ai quitté mes parents, j'ai quitté la ferme et je suis allé comme régisseur dans une très grande propriété de 900 ha dans la
Sarthe chez le Comte d’Argenlieu. Le Comte d’Argenlieu, qui était le cousin de l'Amiral d'Argenlieu qui avait été d'ailleurs Haut
Commissaire en Indochine. Là, j'ai été régisseur de la propriété, lui était le patron. Le Comte d’Argenlieu était Député. Donc,
il était souvent à Paris. Il ne s'occupait donc pas beaucoup de la propriété. Il s'en occupait mais enfin c'était moi qui étais
chargé de gérer. Il y avait quand même huit fermes et puis, il y avait beaucoup de bois, beaucoup de bois en chêne, de châtaigniers,
etc... Et j'étais chargé de vendre des coupes, etc... J'avais un pourcentage sur ces ventes de bois et j’étais logé gratuitement.
Mais ensuite, dans cette famille là du Comte d’Argenlieu, il y avait un garçon et trois filles. Le garçon, c'était le dernier et
les filles allaient se marier. J'ai dit:
" Moi, de régisseur, un jour ou l'autre, ils n'en auront pas besoin ".
J'ai fait la connaissance d'un commandant de la gendarmerie d'une brigade voisine, qui était venu me voir. Quand il a su que
j’étais ancien déporté, lui aussi était ancien déporté. Alors, on a sympathisé et il m'a dit:
" Tu ne vas pas rester là. Tu vas rentrer dans la gendarmerie. "
C'est lui qui m'a fait entrer dans la gendarmerie. Voilà. Par concours bien sûr. J'ai fait toute ma carrière dans la gendarmerie.
Je ne suis pas venu à Bordeaux, de suite. D'abord, j'ai fait toute la guerre d’Algérie, toute la guerre d'Algérie avec ma femme
et mes enfants. Ca n'a pas été de tout repos. Je suis arrivé en Algérie le 25 décembre 54 et j'en suis reparti avec ma famille
le 1er mars 1962. Donc la guerre était pratiquement terminée. Là, ça a été dramatique pour moi. Bien sûr, j'ai commencé comme
simple gendarme, après je suis passé Maréchal des Logis Chef, après Adjudant, Adjudant Chef et j’ai fini Sous -Lieutenant. Voilà.
Etant dans la Sarthe, j'ai fait partie, au Mans, d'une organisation: la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants
et Patriotes. Quand je suis parti en Algérie, il n'y avait plus d'association là. Ce qui fait que j'ai passé sept ans sans association.
Quand je suis revenu ici (sous-entendu à Bordeaux], j'ai été nommé d'abord à Lesparre, dans la brigade de Lesparre. Ensuite, j'ai
commandé la brigade de St Médard en Jalles, et là, je suis revenu à la F.N.D.I.R.P. Maintenant, je suis vice-président de cette
association, à Bordeaux.
Par ailleurs, de Sachso, je fais partie du conseil d'administration national de l'association de Sachsenhausen, comme d'ailleurs
M. Ducos qui, de plus, fait partie du bureau national. Il est aussi de la F.N.D.I.R.P., mais sans occuper de fonctions particulières.
Personnellement, j'ai fait partie de l'association de Sachso dès sa création. J'ai commencé dans les Landes où je suis resté un an
et demi.
J'ai conservé des contacts avec mon ancien chef de groupe qui a pris l'initiative de constituer un recueil de souvenirs. Je l'ai
aidé quand même avec des documents, et puis des récits, parce que j’ai fait le récit de notre résistance et de notre déportation.
Il connaissait une partie de la résistance puisqu'il était chef de groupe jusqu'au moment de son arrestation au mois de mai 1942.
Après, il ne sait pas ce qu'il s'était passé. Il a créé un musée formidable à Mont de Marsan parce qu'il est toujours là, à
Mont-de-Marsan. Il a été dans la région parisienne, mais il est revenu dans les Landes. Il fait partie aussi de la F.N.D.I.R.P.
mais il n'a pas de fonction à la F.N.D.I.R.P. Mais enfin, il s'occupe surtout du musée de Mont-de-Marsan.
Je ne participe pas, tous les ans, au pèlerinage de Sachso. J'en fait un tous les cinq ans. D'ailleurs quand j'étais dans la
gendarmerie, c'était difficile pour moi. Par exemple, au 25ème anniversaire de la libération du camp, j'ai voulu y aller. Mais
alors attention, gendarme, je faisais partie du Ministère de la Guerre, la gendarmerie faisait partie du Ministère de la Guerre.
Or, le camp se trouvait en zone est-allemande, ce qui fait que je ne pouvais pas y aller sans l'autorisation du Ministre des
Armées. Il a fallu que je fasse une demande d'autorisation. Ca ne s'est pas passé tout seul parce que, quelques jours avant de
partir, alors que je m'étais inscrit et que j'avais versé ma quote-part pour payer le voyage, je n'étais toujours pas sûr de
pouvoir partir; je n'avais pas de réponse. C'était incroyable mais vrai. Au Ministère de la Guerre, ils étaient méfiants. Deux
ou trois jours avant de partir, j'ai été convoqué au 2ème bureau par les militaires; les militaires, pas la gendarmerie.
Tout cela, parce que, allant dans un pays communiste, je risquais de me retrouver avec une fille dans les bras et des risques de
chantage.
Il m'a été appliqué le statut de déporté politique. Tout au début, nous étions tous déportés politiques, tous. Mais après, il y
a eu des gens qui ont dit: "Oui, mais il y en a qui ont été arrêtés parce qu'ils faisaient de la résistance."; Mais il y en a
d'autres qui ne faisaient pas de la résistance du tout. Ce qui est vrai: il y en a qui ont été pris dans les rafles. Il y en a
aussi qui ont été pris pour le marché noir. Alors, il a été décidé qu'il y aurait des déportés de la résistance. Ca, c'est un
statut qui a été voté à l’Assemblée Nationale: déportés de la résistance et déportés politiques. Seulement, les déportés de la
résistance avaient le statut militaire. D'ailleurs, c'est pour ça que j'avais été à un moment Lieutenant. Donc, dans ces conditions
là, il fallait bien sûr, puisque j'avais un statut militaire, je ne pouvais faire partie que des déportés de la résistance. Mais
tous les autres sont passés déportés politiques, tous ceux qui n'avaient pas de reconnaissance des Forces Françaises de l'Intérieur
ou des Francs Tireurs Partisans sont restés déportés politiques. Mais ils n'avaient pas les mêmes avantages. Nous, par exemple,
en tant que déportés de la résistance, nous avons droit à des cures thermales payées par l'Etat, tandis que les déportés politiques
avaient droit aussi à des cures mais ils fallait que ce soit la Sécurité Sociale qui paye ou alors que ce soit eux qui payent.
Voilà la différence, c'est tout. En fait, on a lésé des gens qui ne le méritaient pas parce qu'ils avaient subi le même traitement.
Moi, je n'étais pas d'accord avec ça. Mais bon, c'est comme ça. Il a été créé deux statuts différents: un statut de déporté de
la résistance et un statut de déporté politique. En plus, pour moi qui ait fait une carrière militaire, la déportation m'a rapporté
double: c'est à dire, au lieu d'une année, ça me comptait trois années = une année plus deux années. Pour l'Algérie, c'est différent:
l'Algérie, c'est des campagnes certes, c'est à dire une année de présence = une année de bonification. Ca, je l'aurais eu de toute
façon puisque j'étais dans la gendarmerie. Voilà pourquoi moi je suis partie avec 54 annuités quand j'ai quitté la gendarmerie
et ils n'en payent que 40. Alors vous voyez que j'avais de la marge. La résistance m'a compté aussi, c'est à dire une année de
résistance, une année de bonification.
Pourquoi je suis
entré dans la Résistance ? Ca c'est une chose intéressante. Bon, il y a plusieurs raisons. La première raison, j'avais un père
qui avait fait la guerre de 1914 -1918 et qui avait été blessé deux fois. Il n'aimait pas bien sûr la guerre et encore moins les
Allemands. La deuxième raison, nous étions tous des républicains convaincus dans la famille, la majeure partie était communiste.
La troisième raison, j’avais un instituteur qui était pupille de la nation. Pourquoi pupille de la nation ? Parce que son père
avait été tué pendant la guerre de 1914 -1918. Donc lui non plus n'aimait pas la guerre, et encore moins les allemands et le nazisme.
Et puis la quatrième raison peut être, c'est que nous étions des antifascistes convaincus. Il fallait faire quelque chose. On ne
pouvait pas rester comme ça. Vous savez, nous avons très mal vécu, très mal vécu l’occupation du pays par une armée étrangère,
par une armée nazie qui plus est, et ça nous ne pouvions pas l'admettre. Et puis, il y avait ces brimades, ces humiliations,
ces arrestations qui commençaient. La raison majeure aussi qui m'a fait entrer dans la résistance, c'est le traître Pétain.
Ca c'était inadmissible qu'un Général qui avait fait la guerre de 1914 -1918, un Maréchal, devienne collaborateur des nazis. Ca
c'était impensable et inacceptable. Voilà pourquoi je suis entré dans la Résistance, parce qu'il fallait faire quelque chose. Bien
sûr, nous prenions des risques, mais à l’époque nous étions jeunes. Moi, je suis entré dans la résistance à 18 ans: on est enthousiaste
à 18 ans et ça je ne pouvais pas accepter cette occupation. C'était les maîtres absolus: ils pillaient carrément la France et ils
envoyaient tout ce qu'ils pouvaient en Allemagne. Bon, ils utilisaient nos usines comme usines d'armement. Bien sûr, ce n'était
pas sans contre partie, la résistance. Ca est-ce que nous y avions pensé ? Sans doute. Sans doute nous le savions qu'il y avait
eu des arrestations. Nous savions qu'il y avait déjà des déportations. Mais, et nous savions que les camps de concentration existaient.
Ca nous le savions parce que, inutile de vous dire, que dans ma jeunesse, j'ai lu de la littérature, moi, antifasciste, ne serait-ce
que par l'intermédiaire de mon instituteur. Mon instituteur m'a formé intellectuellement, politiquement, moralement. Je vous assure,
c'était un homme sensationnel, sensationnel et je ne peux que lui rendre hommage parce qu' il a quand même été mobilisé le pauvre
malheureux malgré que son père avait été tué à la guerre de 14-18, il a été mobilisé aussi. Il s'en est sorti heureusement. Mais
enfin, c'est pour dire que lui, ça a tout été pour moi. Il m'a donné l'instruction. Il m'a tout donné et il m'a surtout instruit
politiquement et de la littérature, j'en ai lu, je vous assure qu'il m'a fait passé. Bon, je ne dis pas qu'il était communiste,
d'ailleurs, je ne l'ai jamais su et je ne le pense pas. Mais il était profondément antifasciste et ça il était absolument contre
Pétain, ça s'est sûr. Alors donc, ça ne pouvait finir que comme ça. Il fallait un jour ou l'autre que j’entre dans la résistance,
j’aurais pu y entrer peut être plus tard, je ne sais pas. C'est assez curieux. Un jour, mon père me dit: "il faudrait que tu ailles
chercher des sabots à côté de Tartas chez un Dupau, c'est pas un de nos parents mais je sais qu'il est sabotier. "
" Ah bon ben d'accord. " Alors me voilà avec ma bicyclette, je pars là-bas. Je tombe sur ce Dupau en question à Carcens Ponson
et il y avait un jeune qui était là. Il me dit "Mais d'où tu es toi ? Comment tu t'appelles ?" "Dupau" "Dupau ? Mais tu es de
ma famille ?"
"Je ne sais pas. Mon père m'a dit que non."
Et puis on est venu à discuter de la situation de l'occupation allemande, de la trahison bien sûr de Pétain, du régime de Vichy.
Et tout de suite, j'ai vu qu'on était sur la même longueur d'ondes. Il me dit: " Ca te plairait de faire de la résistance ?
" Et voilà comment je suis entré dans la résistance. C’est bizarre mais ça a été le coup de foudre pour moi, tout de suite.
Je cherchais à y entrer mais comment ? Et ce n'est qu'après que ça s'est étoffé. Ca s'est structuré. Mais au début, voilà comment
ça s'est fait.
Après votre retour, je vois que vous avez écrit vos mémoires, mais avez-vous écrit autre chose ?
Oui, j'ai envoyé environ 80 pages, un récit, à l'Amicale "Sachso". Ces récits-là, ce récit-là a été versé aux Archives Nationales.
Il y a quelques années, la direction de notre association avait décidé de verser ça aux Archives pour qu'il en reste quelque chose.
Alors, je ne sais pas maintenant si ça a été versé à la Fondation. C'est aux Archives nationales, c'est sûr. j'avais écrit environ
80 pages à l'époque. A l'époque, il y a très longtemps. Dès le début que je suis rentré. J'avais pris des notes, ce qui fait que
ces notes là, c’est à dire à plusieurs reprises j’ai écrit des notes parce qu'au cours des fouilles, ils me les ont sorties, ils
me les ont kidnappées. Très vite, très vite, je reconstituais ça tout de suite et de façon à garder des dates très précises. Je
peux vous assurer là : j'ai ces notes là que j'ai répertoriées ici [il cherche dans son dossier]. l'ai des dates très précises.
Voyez. Je peux vous dire même à quelle heure j'ai été arrêté: le 5 septembre à 15 heures dans les Landes. Alors justement au
moment de mon arrestation, il faut quand même que je vous en parle de ça. C'est une anecdote aussi. J'ai cru d'abord que j'avais
été suivi depuis la veille. En fait, ça n'avait rien à voir. Il y avait un agent de liaison qui s'appelait Giret. Cet agent de
liaison, je ne le connaissais pas parce que c'était pas mon agent de liaison. C'était l'agent de liaison d'un groupe à côté, d'un
groupe de résistants à côté à Morcenx. Il se trouve que l'un des membres de ce réseau était le beau-frère de mon camarade qui
en fait m'a dénoncé. Il ne m'a pas dénoncé volontairement. Mais son beau-frère, un jour, s'est taillé et cet agent de liaison qui
est venu pour le voir a dit à ce jeune homme, qui faisait partie de mon groupe, a dit: "Comment ça se fait ? Toi tu fais partie?"
"oui, je fais partie aussi." Il le connaissait, alors il a parlé. Il a dit "Bon ben voilà, on prépare des attentats le 5, euh le
20 septembre prochain." Alors il a dit: "Ah bon et qu'est-ce que vous avez prévu ?" "Ben ça, c'est surtout le chef de groupe qui
s'en occupe." A l'époque, quand mon chef de groupe a été arrêté, c’était moi. "Et alors, comment il s'appelle ?" Voilà comment
ils sont arrivés chez moi, cet agent de liaison est arrivé. Le jour où j'ai été cherché ces explosifs à Dax, c'était le 4 septembre
1942 (1942, oui je dis bien), je venais à peine, à peine de cacher ces explosifs, il y avait des détonateurs, il y avait des
cartouches d’extradites (c'était de la dynamite) et puis des cordons d'allumage. Il y a en avait même pas mal parce qu'il y avait
peut être cinq ou six kilos quand même. Bon. Je rentre à la maison et ma mère me dit: "Tiens, il y a deux messieurs qui te demandent". Elle était
habituée puisqu'on recevait des agents de liaison. Il se prénomme tout de suite: Giret. J'en avais entendu parler de Giret mais
je ne le connaissais pas. Seulement, ce qu'il avait oublié le Giret c'était qu'il n'avait pas le mot de passe. J'ai dit:
"Mais qu'est-ce que vous voulez au juste vous ? Vous
voulez des poulets ou des lapins ? Ma mère peut peut-être vous en vendre un." "Mais non, on vient de la part de Mesplède".
Là, j'ai commencé à marcher sans doute. Mesplède, c'était le nom de mon camarade quifaisait partie de mon groupe de combat. J'ai dit:
" Mais comment ça Mesplède? Mais je ne connais pas de Mesplède." S'il avait eu le mot de passe, s'il avait eu le mot de passe, j'étais
fait comme un ...Alors j'ai dit: "Non, non, non, je ne connais pas..." "Mais si enfin." J'ai dit: "Mais enfin, écoutez, vous ne
vous trompez pas? Qui vous a envoyé ici ?" "Mais c'est lui pour les attentats que vous préparez." J'ai dit: " Mais qu'est-ce que
c'est cette histoire d'attentats ?" Alors moi, j'ai fait l'ignorant. Alors là, il l'a mal pris, il l'a très mal pris. Il m'a dit:
" Mais écoute, il faudrait que demain tu viennes." Alors ils étaient deux. L'autre qui était le commandant de la Gestapo n'a pas
dit un mot. Est-ce qu'il ne savait pas parler français ? Est-ce que, je ne sais. ..? Il n' a pas dit un mot. Ils étaient venus
carrément pour m' arrêter. Ca s'est sûr. Bon, alors j'ai dit: " Non, non. Je ne connais pas Mesplède. Je ne sais de quoi vous voulez
parler." "Il faudrait que tu viennes demain voir Mesplède chez lui parce que là, on a une réunion importante chez lui."
Ca, je savais que tout ça n'était pas possible parce que c'était moi le chef de groupe. J'ai dit: " Ecoutez, je n'ai aucune raison
d'aller chez Mesplède. Je ne sais pas où il habite. " " Mais si, tu sais bien. .." Ils m'ont donné l’adresse et le nom de la ferme
et tout. C’était bien ça. J'ai dit: "Non. Non. Non. Je n'irais pas, je n'ai aucune raison. Mais vous ne vous trompez pas ? Parce
que je ne suis pas tout seul comme Dupau ici dans la région. Il y en a d'autres Dupau. Il y en a un par exemple ici dans la commune
qui s'appelle Dupau." "Mais, Dupau Roger, c'est bien toi ?" "Non. Je ne m'appelle pas Roger. C'est René ".
"En effet, c'était René. Seulement, pour mon camarade de Morcenx, c'était Roger." Par contre, il existe un Dupau Roger qui lui
ne faisait pas partie du groupe. Alors, ça ne me faisait rien de le ... "Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? " Alors là, ils
ont un peu vasouillé. ..Alors, ils m' ont dit: " Bon, il faut quand même que tu viennes demain. " Je leur ai dit: " Non. Je n'irais
pas. " Le lendemain, quand ils ont cerné, j'étais déjà parti au travail quand ils ont cerné la ferme, ils ont d'abord été appeler
ma mère. Ils l'ont obligée à les conduire sur mon lieu de travail. Plus exactement, avant ça, avant que la ferme soit encerclée,
il y a ce fameux Giret qui est arrivé. Il n'avait toujours pas le mot de passe. Mais il était revenu tout seul cette fois-ci,
tout seul. Il me dit: " Tu vois, je suis encore là. Mais tu n'es pas venu à la réunion aujourd'hui. Mais il fallait que tu viennes
parce que c'était important. " Alors, ils sort un pistolet qu'il faisait tourner, tourner dans sa main. Alors, il me dit: " Tu
devrais me montrer le tien pour voir si c'est le même. " Je lui ai dit: " Je n'ai pas de pistolet. " Il n'avait toujours pas dit
le mot de passe. Et là, je me suis dit: " Ca, il n'y a pas de doute. Ils me suivent depuis Dax. " En fait, ce n'était pas ça. Alors
j'ai dit: " Ecoutez, vous me faites suer. Moi, je vais vous foutre mon pied quelque part et je n'ai rien à voir avec vous. "
Quand il a vu ça, il a dit: " Bon, bon, bon d'accord. D'accord. D'accord, je m'en vais. " Et il est parti. Seulement ce que je
ne savais pas, c'est que la police n'était pas loin. A peine il avait quitté la ferme, c'est que la ferme a été investie. Et moi,
j'étais parti déjà au travail. Ils ont donc pris ma mère et ils l'ont obligée à les conduire sur mon lieu de travail. Il y avait
mon père, mon frère et moi. Ma mère, de loin, me faisait: " Va-t-en ! Va-t-en ! Va-t-en! " Ils étaient deux inspecteurs: Célerier
et Evrard, puis les autres qui suivaient derrière. J'aurais pu m'échapper. C'était facile, c'était dans les bois. Mais j'ai très
vite réalisé, très vite, que si je m'échappais, ils arrêtaient mon père et mon frère. Ca, ils l'ont fait ailleurs, ils l'ont fait.
Ca, on le savait qu'ils le faisaient ailleurs. Alors j'ai levé les mains et je me suis rendu. Alors ils m'ont amené à nouveau chez
moi et là il y a mon frère. Il lui a dit: " Quel âge tu as toi ? "
Mon frère, émotionné, ou volontairement, au lieu de 16 ans, il a dit 14 ans. L'inspecteur Célerier a hésité et il a dit " Oh, il
est trop jeune. On le laisse. " S'il avait dit 16 ans, ils l'amenaient aussi. C'est terrible à quoi ça tient, hein ? Et puis,
me revoilà à la maison, ma mère en pleurs, etc... Et puis, l'inspecteur me dit: " Tu t'habilles convenablement. Et puis tu prends
ta carte d'alimentation, ta carte de tabac -puisqu'on avait droit à une carte de tabac -, tu prends de l'argent, tu demandes de
l’argent à ta mère, etc... " Ma mère m'a donné tout de suite à l'époque 50 F, je ne sais pas. Il me dit: " Et sur la tête, tu ne
mets rien ? Tiens, il y a un béret là. " Il a été pour le prendre. La veille au soir, j'avais écrit un article pour France D'abord
qui était un journal clandestin, que je devais poster pour une boîte à lettres à Paris, une boîte à lettres, c'était une boîte à
lettres, pas des adresses précises. Il aurait pris le béret, il aurait palpé le papier, il aurait ...Je l'avais mis dans la doublure,
il aurait certainement trouvé le papier. Là, j'aurais été fait comme un rat. J'ai dit: " Mais non! C'est le béret de mon frère! "
J'ai pris le béret de mon frère par contre qui était sur le pied du lit parce qu'il y en avait un sur chaque pied du lit. Ma mère,
qui était là, elle s'est dit: " Qu'est-ce que ça veut dire ça ? " Elle a bien vu que je partais avec le béret de mon frère. Après
mon arrestation, elle a tout de suite pris ce béret et elle a trouvé ce papier. Elle l'a trouvé tout de suite. C'est pour ça pour
vous dire à quoi ça tient ! Alors, ils m'ont mis tout de suite dans la voiture. Et en arrivant dans le premier virage après la
ferme, qu'est-ce que je vois ? Mon Giret, l'agent de liaison, qui n'était pas menotté du tout, qui discutait avec tous les policiers
qu'il y avait autour et dans l'autre voiture, qu'est-ce que je vois ? Mesplède, mon camarade, qui m'aurait envoyé cet agent de
liaison. Alors, j'ai dit: " C'est pas vrai! " Il m'a fait comme ça, d'un air de dire: " J'y suis pour rien ! " Il ne l'a pas fait
volontairement, il ne l'a pas fait volontairement, mais et heureusement qu'il ne savait pas où j’allais chercher les explosifs,
ni rien. Il ne connaissait pas les agents de liaison parce que sinon, il aurait pu vendre la mèche. Il aurait eu le mot de passe
par exemple, j'étais fait comme un, comme un ...Ah, oui, oui ![silence] En fait, ils n'ont jamais eu la preuve, jamais ...[ silence]
Voilà. [ silence ] Parce que bon, ils ont fouillé toute la chambre, ils ont fouillé.
L'étudiante: " Et ils n'ont pas découvert les explosifs, justement que vous aviez cachés ? "
Ils ne m'en ont jamais parlé. C'est donc qu'ils ne savaient pas que j'étais allé les chercher. Ca me confortait. Seulement je me
suis dit, par représailles, puisque je ne parlais pas aux interrogatoires, il peuvent très bien arrêter mon père et ma mère, peut
être mon frère. Mais il y avait des enfants quand même qui étaient en bas âge. Alors peut être qu'ils ne l'auraient pas fait. Mais
mon père et mon frère, ils les auraient arrêtés. Ca c'est sûr ! C'est sûr ! [silence] Ca tient à pas grand chose! [silence] Mais
vous savez, le troisième jour, quand j'ai été ramené sur le brancard à la prison et quand l’inspecteur m' a dit: " On vient te
chercher demain ~ on revient te chercher demain! " Là, je n'étais pas fier! Parce qu'on peut tenir certainement un moment aux
interrogatoires. Mais je n'étais pas sûr du tout de pouvoir me taire parce que si les interrogatoires venaient, à un moment donné
ou un autre... C'est pour ça qu'il ne faut pas en vouloir à ceux qui ont parlé sous la torture, c'est quelque chose d'affreux.
Il y avait en particulier, non seulement les coups de nerf de bœuf, les coups de pieds dans les côtes. Mais ils m'ont fait subir
un traitement à moi: ils m'avaient mis un masque à gaz. D'abord, ils m'ont fait mettre à genoux, les bras liés derrière, à genoux
sur une règle triangulaire, une grande règle comme ça, une règle triangulaire. Alors, ça vous casse les genoux là. Et en plus,
ils m' ont mis un masque à gaz et la poire d'aspiration dans un seau d'eau. Voyez un peu. Alors je pensais que je m'asphyxiais.
Ils m'ont dit : " Quand tu voudras parler, tu lèveras le doigt. " Je ne pouvais pas lever le doigt, alors je faisais comme ça
[il mime son geste: un coup de tête]. " Ah, il veut parler. Bon, d'accord " et ils enlevaient. ..et puis comme ça ne sortait pas,
hein ? Le temps que je reprenne déjà. ..parce que je sentais l'eau qui entrait dans les poumons. Ca c'est affreux. Je sentais que
je m'asphyxiais et d'ailleurs, c'est le troisième jour qu'ils ont fait ce traitement. Je me suis dit: " Si jamais ils recommencent,
je ne pourrais pas tenir. " C'est épouvantable, ça. On ne peut pas s'imaginer! Il y en a d’autres, ils leur ont écrasé les doigts
dans des presses, vous voyez. ..Moi, ça été le traitement, le masque à gaz. Pourquoi ? J'en sais rien. [silence] Et alors, je
pense, je suis persuadé que c'est le gars avec qui ils m'ont confronté qui m'a sauvé. Parce que quand il a fait NON avec la tête,
ils ont dû dire: " Bon ben, ça va. .." Et voilà. Alors, est-ce qu'il y a eu un problème après avec la réception au Fort du Hâ,
comme l'autre avait refusé, il a signé sous la menace de l'inspecteur français, il faut le faire ça, hein ? Un inspecteur français
qui menace un militaire allemand, hein ? C’est pour vous dire à quel point ils étaient collaborateurs. Vous voyez un peu, le régime
nazi ? Alors là, je pense qu'il a peut être fait un rapport ~ Je ne sais pas. Est-ce qu'ils ont décidé que c'était inutile parce
que je dirais rien ? Je ne peux pas. ..Mais je suis persuadé que c’est le gars avec qui ils m'ont confronté ...Parce que quand
on lui demande: " Est-ce que c'est chez lui que tu couchais ? " Et quand on m'a dit: " C'est bien l'agent de liaison qui couchait
chez toi ? " Hein ? Il n'y as pas de doute, c'est bien un agent de liaison. Mais qui c'était ? Etait-il venu chez nous ? Moi,
en tout cas, je ne l'ai pas connu. Mais il saignait de partout alors je ne peux pas dire... J'ai eu au moins, attendez voir, il
y a eu Jean Claude, après, il y a eu, euh ...Marcel, il y a eu, euh ... comment il s'appelle. ..Yves et puis il y a eu Gaston.
Donc, quatre agents de liaison que j'ai reçus de Paris -silence -qui étaient logés à la maison. Parce que par exemple pour les
attentats du mois de mai, le 1er mai, je n'y ai pas participé moi. Et c'est moi qui ai reçu l'agent de liaison et je l'ai conduit.
Il a couché une nuit chez moi et je l'ai conduit le lendemain, la veille du 1er mai chez Gilbert qui dirigeait l'opération, chez
Gilbert Dupau de Carcens Ponson, mon chef de groupe. Je n'y ai pas participé. Je savais que ça allait avoir lieu, mais j'étais
chargé surtout d'amener le chef, euh, l'agent de liaison qui devait superviser en fait. Je ne sais même pas s'il a supervisé
quelque chose. Je ne sais pas. Il devait apporter des explosifs et paraît-il qu'il n'avait pas pu les avoir. Alors je crois que
le feu a été mis avec de l'essence de Térébenthine ou quelque chose comme ça. [silence] Enfin, les deux usines ont été quand même
incendiées. [silence]
L'étudiante: " J'avais envie de vous demander quel message voudriez-vous faire passer ?
Moi je crois que vous devriez mettre: ce sont les raisons de mon entrée dans la Résistance. C'est ça qu'il faudrait mettre parce
que nous étions jeunes, mais nous étions tellement volontaires, tellement et puis je ne sais pas. A cet âge, on ne décèle pas le
danger qu'on peut encourir. On ne pensait jamais qu' on pouvait par la suite de la Résistance ou autre, on pourrait avoir autant
de fusillés, tant de déportés. Qui aurait pensé qu'on pourrait déporter autant de gens ? Ca, c'est La déportation,
C'est une cause de la Résistance, une conséquence plus exactement de la résistance, bien sûr. Mais, si on n'avait rien fait, où
on en serait ? Peut être que le pays ne serait même pas libre encore. Voyez. Donc, il fallait faire quelque chose. Moi, je pensais,
vu l'instruction que j'ai reçue, civique ou l'instruction républicaine que j'ai reçue, qu'on se devait de faire quelque chose.
Et au début, je vous assure qu'on n'était pas nombreux, vous savez. On pouvait se compter sur les mains, sur les doigts de la
main. C'était pas facile. En plus, il y avait des collaborateurs, des traîtres aussi par vengeance, ou par jalousie ou pour dénoncer
quelqu'un. Ca, on ne l'avait pas envisagé. On pensait que tout de même, les français étaient républicains et tenaient à la République
et non pas avoir un régime nazi, un régime d'occupation comme nous avions. Je crois que ça c'est important. Pourquoi on est entrés
dans la résistance ? Quand on y est entré, parce qu' il y en a qui sont entrés avant moi ? Dès la fin de la guerre, il y en a qui
ont commencé déjà à entrer. Bon, moi j'y suis entré plus tard parce que je n'ai pas trouvé le moyen d'y entrer avant. Il a fallu
cette occasion là et j'étais enthousiasmé parce que je pensais qu'on devait faire quelque chose. C'est tout, ça c'est important.
Maintenant, ce que je ne peux pas admettre et ça, vous devez insister là-dessus, c'est cette collaboration avec les Nazis. Comment,
comment des gens peuvent collaborer avec une armée étrangère qui occupe, qui asservit son pays ? Comment on peut collaborer avec
l'occupant de cette espèce et surtout aussi brutaux ? Parce que quand on sait ce qu'ils ont fait aux Juifs par exemple. Moi, je
n'étais pas Juif, j'étais communiste peut être. Mais quand on voit ce qu'ils ont fait aux Juifs. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient
d'une race autre que la nôtre. Ils ont exterminé des milliers de juifs, il faut le savoir ça. Pourquoi ? Parce qu'ils les accusaient
de tous les maux ? C'est facile ça. C'est facile. C'est facile d'accuser quelqu'un quand on veut. Vous savez, il y a un proverbe
qui dit : " Quand ont veut tuer son chien, on dit qu'il est enragé. " C'est un peu ça. Ils n'avaient aucune raison. C'est un régime
épouvantable ça qui aurait pu asservir l'Europe entière, d'ailleurs qui a asservi un moment une partie de l'Europe. Il a fallu
des gens courageux comme les résistants et aussi la collaboration quand même, des personnes, des nations étrangères pour nous libérer
de ce joug. Parce qu'attention, s'ils avaient réussi leur lutte, s'ils avaient réussi leur dessein, et bien l'Angleterre aurait
été un jour ou l'autre occupée. Il ne faut pas se leurrer. Parce que ce n'est pas par hasard s'ils avaient inventé les VI ou les
V2 parce qu'ils étaient en avance, on ne peut plus en avance au point de vue propulsion. Ils auraient pu un jour ou l'autre envahir
l'Angleterre et toute l'Europe aurait été occupée. L’Afrique. Ils sont allés en Afrique. Donc, c'était un danger, c'était une
pieuvre. C’était une pieuvre le Nazisme. Et malheureusement, le Nazisme existe encore. Il faut pas se leurrer. Pas seulement
qu'en Allemagne. Il y a peut être plus de néo-nazis en France qu'en Allemagne. Quand on voit un Le Pen qui nie l'histoire des
chambres à gaz. Et combien d'autres ? Il y a eu des Professeurs d'Histoire qui ont, qui sont négationnistes. Mais comment on peut?
Enfin ces gens-là qui sont partis, ces millions de gens qui ne sont pas revenus, où sont-ils passés? c'est un "détail de l'histoire"
ça ? Non certainement pas. Donc il ne faut pas se leurrer. Nous sommes toujours en danger. On voit bien ce qui s'est passé en
Yougoslavie ; on voit bien ce qui s'est passé au Kosovo ou bien ailleurs. Bon, nous sommes encore en danger. Le Nazisme est permanent.
Il ne faut pas s'imaginer qu'il disparaît du jour au lendemain. Vous savez, il y a des sectes par exemple aux Etats Unis ou ailleurs
qui sont à base du Nazisme. Il ne faut pas l'oublier ça, même en France. Parce que ce qui s'est passé au Vercors, ces gens qui
se sont faits tuer et puis on a dit: "Ca fait partie d'une secte". Mais on s'aperçoit maintenant qu'il y avait deux policiers
qui étaient dans le coup, qui étaient des néo-nazis. Alors, voyez! Je vous dis: "C'est un combat permanent". Et ce n'est pas par
hasard qu'on peut acquérir la ...comment dirais-je ? ...la liberté. La liberté, ça se gagne. Ca se gagne. Et pour la maintenir,
il faut faire quelque chose. Il faut se battre. C'est un combat perpétuel. Moi, je crois qu'on est toujours en danger. Absolument
en danger. Il ne faut s'imaginer que la "bête immonde" comme on disait est morte. On disait en sortant "plus jamais ça". Hélas,
hélas, quand on voit ce qui s'est passé encore dans le monde depuis. Et bien, c'est à désespérer de l'espèce humaine. [silence]
Voilà, donc il faut toujours être sur ses gardes, toujours être amoureux de la liberté et la défendre avec toute la force que l'on
peut avoir. Ca, c'est sûr. Il faut le faire. [silence] Voilà Mademoiselle.
L'étudiante: "Merci beaucoup."
J'ai oublié de vous dire que dans mes liaisons de la résistance, j’avais reçu un jour un agent de liaison accompagné d'un monsieur
qui me paraissait être étranger. Mais enfin, je ne sais pas s'il était étranger. Et ils venaient pour repérer un terrain de parachutage.
Alors, je leur avais proposé, et on était même allé sur les lieux, un champ qui appartient à la ferme de mes parents, au nord de
la ferme. Ils avaient l'air satisfait et ils avaient même dit: "Bon, ben ça nous convient." Bon, on pensait en effet faire des
parachutages. Ces parachutages ont eu lieu mais après mon arrestation. Pourquoi ? Et d'ailleurs, ça n'a pas eu lieu exactement
à l'endroit où j'avais proposé à l'agent de liaison mais environ à 200 mètres plus au nord dans un autre terrain plus discret.
Ils avaient dû changer d’idée ou je ne sais pas. Et mon père et mon frère, bien après mon arrestation parce que je crois que les
parachutages ont eu lieu mois de mai 1943, j'étais en Allemagne à ce moment là. Je crois que c'est à ce moment là qu'ils ont eu
lieu les premiers parachutages. Mon père et mon frère y ont participé. Voyez que la résistance a continué. Et ma mère a continué
à faire de la résistance en particulier, je vous ai cité le gars qui m'avait accueilli au retour de déportation: M. Moliets.
M. Moliets avait été obligé de sortir de chez lui parce qu'il avait été menacé d'arrestation. Il avait été prévenu d'ailleurs par
la gendarmerie, par un gendarme de la brigade de Rion les Landes qui faisait lui aussi partie de la résistance. Et il avait été
obligé de se réfugier à côté de chez mes parents, dans une ferme désaffectée au lieu-dit "Le Cassou", à côté précisément du lieu où
avaient lieu les parachutages. Et ma mère les ravitaillait parce qu'il n'était pas tout seul, ils étaient en tout deux ou trois
personnes, je ne sais pas, qui avaient été obligés de quitter leur domicile aussi pour éviter les arrestations. Ma mère a sauvé
Mme Moliets, la femme de ce résistant là in extremis. Elle avait été voir ma grand-mère qui se trouvait à côté de chez ce M. Moliets.
Sa femme était sage-femme, elle était à son domicile d'ailleurs à ce moment là. Elle avait été lui dire bonjour. En sortant de
chez elle, elle voit le gendarme en question qui arrive, affolé, dire: "Vite, vite, Madeleine. Allez dire à Mme Moliets de partir.
La Gestapo arrive." Ma mère a pris son courage à deux mains. Elle a fait demi-tour et elle a été dire à Mme Moliets : "Partez vite!"
Et elle l'a fait sauver à Mme Moliets par des jardins qui étaient derrière son domicile. Mme Moliets est venue rejoindre son mari,
à côté de chez mes parents en bas. Voilà comment ma mère a sauvé Mme Moliets. Voilà. Donc ma famille a continué malgré mon arrestation
à faire de la résistance. Ca, je tenais à le dire ça.