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Mon frère qui était donc de la classe 37 et qui avait devancé son incorporation fut rappelé à l'occasion
de Munich. Un an après, septembre 1939, c'était le début de la guerre, il fut maintenu sous les drapeaux
et allait y rester encore fort longtemps. De sorte que la guerre, avant même qu'elle soit déclarée,
avait une résonance marquante dans ma propre famille comme dans d'autres. [silence] La « drôle de
guerre » qui plaça un trop grand nombre de Français dans un état ou d'indifférence ou d'inconscience,
chloroformés qu'ils étaient par ce non-événement qu'était la guerre puisque les choses restaient à
l'état statique sur le front franco-allemand, tout l'automne et tout l'hiver. Puis ce qui était inévitable
se produisit. Ce fut la ruée allemande au printemps 1940, l'effondrement de l'armée française, l'invasion
du pays et l'arrivée vers le 10 ou le 12 juin, à deux ou trois jours près, des premières unités allemandes,
sans aucune résistance, dans la région de Jonzac.
Comme de nombreux jeunes à cette époque, la vue de ces soldats qui disposaient désormais de notre pays
a engendré chez nous un sentiment d'abord de profonde honte, honte de la capitulation, déchirement
de l'occupation du pays et une immense tristesse par rapport à ce qu' allaient être les lendemains
tant les choses paraissaient désespérées. J'avais donc...16 ans, 16 ans et demi puisque c'est encore
un âge où on peut compter en demi-années.
Comme de nombreux Français, je n'ai pas entendu l'appel du Général De Gaulle du 18 juin et la notion
même du mot Résistance n'a pas pris corps dans mon esprit dès cette époque. Il y avait certes chez
chacun de nous une colère plus ou moins contenue et l' espoir, mais par des moyens indéterminés et
inimaginables à l'époque, l'espoir de voir les choses se retourner. Et lorsque, au fil du temps, le
contenu de l'appel du Général De Gaulle nous fut connu, quand l'écoute de Radio-Londres dont les
émissions ont été lancées sur les ondes dès le début de l'occupation, dès juin 1940. Là, l’espoir a
commencé de s'éveiller. Il était entendu que quelque part le flambeau avait été repris, que la
capitulation n'avait donc pas été un fait général et que des hommes vaillants avaient dit et continué
de dire NON à cette situation, disant NON d'ailleurs aussi bien aux capitulards qui entouraient Pétain
que NON aux exigences des occupants.
J'étais à l'époque au cours complémentaire de Jonzac- Les études furent naturellement malmenées durant
toute cette époque. Néanmoins, j'ai pu passer mon Brevet Supérieur. [silence] En 1941, j'ai tenté le
concours d'admission à l'Ecole Normale dans la lignée de mon père et de ma sœur qui était enseignante
déjà à cette époque. Mais je ne me faisais pas d'illusion quant au résultat tant cette année d'études
avait été chaotique en raison des premiers contacts informels pris avec des adultes ça et là pour donner
corps à cet esprit de résistance qui s'était finalement implanté en nous et qui allait nous animer.
Fin 1941-début 1942, j'ai donc échoué sans surprise à mon concours d’admission à l'Ecole Normale et
j'ai mis fin à mes études à ce moment là. J'ai tenu un emploi, disons ecran, dans une compagnie
d'assurances qui me permettait, a bicyclette c’était le seul moyen, de me déplacer dans les campagnes,
dans tout l'arrondissement de Jonzac, pratiquement jusqu'à la Gironde, ce qui facilitait mes contacts,
me permettait d'en prendre, de prendre des initiatives car, à cette époque, les tracts commençaient
déjà d'apparaître, des tracts de facture grossière. Les moyens manquaient, peut être aussi que le
savoir-faire faisait défaut. Ces tracts avaient au moins le mérite d'exister et d'appeler, d'éclairer
les gens, de leur déficeler les yeux et d'installer en eux un esprit de résistance puisque,-il
faut bien le dire, la Résistance est avant tout un état d'esprit. A l'évidence, ces tracts ont porté
leurs fruits.
On savait plus ou moins obscurément que, contre le camp de la collaboration qui était souvent une collaboration
opportuniste et marchande plus qu'une collaboration idéologique, même si celle-ci existait hélas aussi,
s'est constitué clandestinement un camp de la Résistance qui était naturellement très faible au départ
mais dont on a eu le sentiment qu'il s'étoffait chaque semaine davantage.