André Castets

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ENTRETIEN AVEC ANDRE CASTETS.
le 16 novembre 1999
à Saint-Médard en Jalles
Mémoire de Stéphanie Vignaud
L'étudiante:
"Pouvez-vous vous présenter ?"

André CASTETS : "Je m'appelle André Castets, né le 8 novembre 1920 dans les Landes. Voulez- vous que je vous donne tout mon curriculum vitae ?"

Bon, j'ai commencé à travailler à l'âge de 12 ans et demi après le Certificat d'Etudes. J'ai travaillé pendant trois ans à la terre. Ensuite, j'ai été apprenti mécanicien dans un garage. Ensuite, c'était la guerre de 1939. Comme je suis dans le IVème contingent 1940, je n'ai pas été appelé par l'armée. Je suis parti travailler à Toulouse, puis, je suis rentré chez moi à Gondrin dans le Gers, un petit patelin de 1.100 habitants: c'était après l'Armistice et comme j'avais 20 ans, il m'a fallu trouver une solution pour continuer à travailler dans mon métier, ce n'était pas facile. Alors, avec les anciens de la guerre de 1914 en particulier, on a cherché une solution parce qu'il y a quand même des gens qui sont assez sensés. Ils m'ont dit: « il faut t'engager dans la marine ». Alors, je me suis engagé dans la marine de l'époque qui était la marine de l'Armistice. Il ne faut pas oublier que la marine française n'a jamais été battue par l'armée allemande. Elle a été simplement neutralisée. Comme j'ai toujours voulu être mécanicien de l'aéronautique, j'ai pu passer les brevets provisoires, c'est-à-dire les essais d'ajusteur à l'arsenal de Toulon, puis j'ai été mécanicien de l'aéronautique.

Alors là, il se passe quelque chose de particulier, je ne sais pas si ce sera bon ou mauvais, mais c'est la réalité. Les mécaniciens de l'aéronautique se formaient à l'époque à l'école des mécaniciens de Rochefort, mais Rochefort à l'époque était en zone occupée. Il y avait alors deux zones: une zone occupée et une zone libre. Cette école de Rochefort a été, comment dirais-je, transplantée au bord de l'étang de Berre dans la région de Marseille. Cette école était interdite par la commission de l'Armistice. C'était une forme de résistance, moi j'étais le petit exécutant, l'élève si vous voulez. Mais c'était une initiative de la marine elle-même, d'une certaine partie des militaires, des marins quoi si vous voulez, j'ai été formé là six mois et j'ai eu mon brevet de mécanicien de l'aéronautique. On n'était pas habillés en marin non, pas de pompon, pas de tout ça, on nous appelait des agents civils. On n'avait pas de galons. Pour sortir faire un tour dans la commune de Berre, on pouvait aller dans certains bistrots, pas dans d'autres. Mais c'était la marine à Pétain. Alors, Pétain, Vichy, tout ça. ..Mais en réalité, c'était une forme de résistance à l'ennemi, ça, il n'y a aucun problème. Mais évidemment, les gens n'en parlent pas. il faut en parler, mais moi je suis tout seul. Qu' est-ce que voulez que je fasse, voilà.

Puis, je suis parti en Afrique du Nord. J'ai été affecté dans la base aéronavale de Port Liautey. Afrique du Nord, théoriquement c'était Vichy. Mais en réalité, je voyais toujours les officiers faire comment dirais-je des trucs avec un esprit de revanche. On a écrit beaucoup de choses, mais moi ce que j'ai ressenti c'est ça. Bon après, il faut peut être que j'arrive à mon arrestation. Je suis arrivé en Afrique du Nord en 1941. En 1942, j'étais là-bas. on faisait des manœuvres d'évacuation du matériel et tout ça. Donc j'étais déjà à Port Liautey et les officiers supérieurs savaient plus ou moins ce qui allait se passer (débarquement allié en Afrique du Nord). A ce moment là, je demande à mes chefs: «est-ce que je peux aller en France libre voir mes parents?». A l’époque on ne pouvait rentrer en France que par la zone libre par Marseille. Ils me disent «bon dépêchez-vous», alors je me dépêche et j'y vais avec un copain de Tarbes. On arrive et puis le 8 novembre 1942, j' étais toujours en permission, plan. Les Américains débarquent en Afrique du Nord et moi je suis coincé là. Etant en permission, je prends contact avec la gendarmerie, qu'est-ce qu'on doit faire ?qu'est-ce que je vais faire ? Finalement, je reviens à la BAN de Berre où je suis démobilisé en même temps que des copains qui y étaient déjà. Après le 8 novembre 1942 toute la France a été occupée en trois jours. Il n'y avait plus qu'une zone. Donc il fallait que je trouve une solution, je reviens à Gondrin ma commune de résidence où il y avait déjà un responsable de la résistance (un anti-boche, quoi, on disait à l'époque boche comme pendant la guerre de 1914) avec lequel j'avais des contacts. J'avais le camarade avec lequel j'étais rentré d'Afrique du Nord qui était à Tarbes chez ses parents qui travaillaient à Hispano Suiza. Il m'a écrit pour me dire: «il faut que tu viennes parce que j'ai trouvé une filière pour rejoindre par l'Espagne les forces françaises libres». Alors, j'ai attendu qu'il me fasse à nouveau signe. Mais en attendant à la commune, ils m'avaient désigné comme requis civil pour aller travailler à Katowice en Pologne pour 0,50 Mark de l'heure. A la même époque, je suis tombé sous le coup du STO. J'attendais toujours le signe de mon copain et j'ai décidé d'aller le voir à Tarbes en vélo (100 kms), puis je suis revenu à Gondrin. En prévision du départ au STO, on a passé un sorte de conseil de révision au chef lieu de canton. J'étais avec un camarade d'école qui était désigné comme moi, requis civil et STO. Je lui dis: «je m'en vais dans la nature, je m'en vais par l'Espagne », lui me dit: «je pars au maquis »}. Au retour du conseil. je repars à Tarbes en vélo avec mon barda et le peu de sous que j'avais. Avec le copain de Tarbes, on est parti à deux vers l'Espagne en passant par Mauléon Soule, il avait tout organisé, il avait une filière de faux documents (fausses dépêches que sa tante était gravement malade et qu'on allait la voir). A Mauléon Soule, on se dirige à pied vers une ferme ou on devait prendre des armes pour passer la frontière et un garde berger. On arrive à la ferme et on ne trouve qu'une femme qui nous dit: «Diou, on va aller à la cache et vous prendrez les armes», mais il n'y avait plus d'armes parce qu'ils changeaient tous les jours de place. il y avait toute une finesse d'organisation dans toutes ces filières. Pour certains, c'était pour gagner du pognon. J'ai juste donné une somme minime, et puis nous voilà partis avec le berger qui nous a fait marcher, marcher, marcher... je remonte ici. ..la nuit.. tout ça. Le berger connaissait tout le coin. En chemin, on a trouvé des gens de Bordeaux. Il y en avait 17 ou 18 des jeunes de 16-17 ans, alors que nous avions déjà 21 et 22 ans. On a dû les attendre plusieurs fois, nous avons joué les bons samaritains, ce qui a retardé le groupe et nous ne sommes pas passés aux endroits où nous devions passer. On était fatigués (18 heures sans s'arrêter), on a dû coucher dans une bergerie. Voyez dans quel état on était, les jeunes de 16 ou 17 ans de Bordeaux étaient complètement lessivés, nous on était habitués à marcher parce que les militaires on est plus ou moins sportifs et entraînés si vous voulez. Le lendemain, au lever du jour, on sort de la bergerie et on tombe sur une patrouille de Feldgendarmes.