Entretien avec Pierre Canet
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Pierre Canet n'allait pas rester à Neuengamme. Ce camp pouvait maltraiter
de 15.000 à 20.000 au maximum. On peut penser que ce point limite tenait principalement compte de la rentabilité que l'on pouvait
escompter de ces travailleurs emprisonnés. Les S.S. essayaient de rentabiliser cet ensemble, pour cela, ils avaient créés des kommandos
extérieurs, camps de concentration secondaires, rattachés administrativement au camp principal mais travaillant sur des chantiers
périphériques.
Le kommando de Fallersleben était situé à 15 kms au nord de Brunswick. Achevé en mai 1944, il allait accueillir 650 hommes, essentiellement
des Français qui devaient construire des baraquements pour les ouvriers du STO travaillant pour Volkswagen, usine d'armement. Par
la suite, certains seront affectés à des travaux dans une carrière.
Le camp de Fallersleben était entouré de barbelés électrifiés et des miradors veillaient aux évasions. Dans le camp, 4 blocks de 8
chambres, chacune prévue pour héberger 24 hommes sur des châlits en bois à deux étages. Un cinquième block était réservé à l'infirmerie.
Le travail était épuisant; d'une durée de 11 heures par jour, dès le début, il allait se réduire par la suite avec la contrainte
hivernale. Pas de repos le dimanche. Pierre Canet nous confirme, toutefois, que le jour du 14 juillet 1944 fut commémoré avec des
bouquets tricolores à la "boutonnière"; de même le 11 novembre sera marqué
La terreur était assurée par la discipline et les punitions. A la tête du camp, tout d'abord, Johan Pump, ivrogne et sadique, surnommé
"Pied-de-vigne", puis, en janvier 1945 Anton-Peter Callesen, réputé par sa brutalité et répondant au surnom de "Peau-de-vache". Mais,
bien sur, là comme ailleurs, la surveillance et le maintien de la discipline étaient confiés aux kapos, le plus souvent criminels de
droit commun. La punition la plus appliquée: 25 coups de bâtons ou de schlague donnés en public et après l'appel.
Pour le reste, rations élémentaires inadaptées au travail demandé aux prisonniers. Hygiène déplorable, en effet, le seul robinet du
camp n'était mis en service qu'au début juillet 1944; première douche pour les déportés. Les paillasses des châlits ne seront jamais
changées en 10 mois. Les prisonniers s'affaiblissant, les maladies allaient se développer et, pourtant, on nous précise que fin, 1944,
le camp de Fallersleben ne comptait que 6 morts. Et, pourtant, ces hommes, peu vêtus et mal nourris, travaillaient durement dans le
froid et dans la neige.
Le 2 avril 1945, était annoncée l'arrivée à Fallersleben de 400 prisonniers, arrivant du camp de Porta, évacué devant l'avancée des
troupes américaines. Des troupes américaines si proches que l'évacuation du camp de Fallersleben était décidée. Les Allemands voulaient
regrouper, sous leur contrôle, plusieurs kommandos extérieurs du camp de Neuengamme. Ils vont les acheminer vers le camp de Wöbbelin.
Vont ainsi se mettre en branle les kommandos de Fellersleben, Kalten-Kirchen, Helmstett, Schandelah et Porta-Westfalica
auxquels vont s'ajouter des déportés d'Auschwitz, Sachsenhausen, Buchenwald ainsi que quelques femmes de Ravensbrück.
Le camp de Wöbbelin est alors à peine terminé. Les bâtiments en briques ne sont pas terminés intérieurement. Les prisonniers, pour
beaucoup, couchaient à même le sol. Plusieurs milliers d'hommes et de femmes épuisés étaient là. Désorganisation totale. Malgré cela,
de nombreux appels. Les conditions de vie étaient encore plus dures qu'à Fallersleben: une seule fontaine pour tout le camp, les
déportés, privés de gamelles individuelles, se disputeaient leur maigre pitance dans des soupières collectives. Plus de chantiers,
plus de travaux, mais des corvées imposées et plus précisément la sinistre corvées "des macchabées" qui voulait enterrer les morts
de la journée dans des fosses communes. Chaque jour, 100 à 150 personnes mouraient quotidiennement et les libérateurs allaient découvrir
plus de 300 cadavres, à leur arrivée, le 2 mai 1945, à 14h45.
Pierre Canet revenait à Bègles le 10 1945