Biographie. Résistants honorés. Lasserre Marie et Emmanuel |
Les époux Lasserre |
Le drame | Marie Lasserre |
Groupe de Grignols |
Rapport du lieutenant Lussac
Photos Véronike Lasserre
Extrait du rapport Lussac:
La Gestapo continua ses arrestations et ses expéditions punitives. Des centaines de réfractaires travaillant dans la région ne se trouvaient plus en
sécurité. L’A.S. de Grignols décida de créer un nouveau maquis. C’est Pierre L….. qui en fut chargé le 12 juin 1944. la nouvelle formation s’installa
au lieu-dit les « Trois Chênes », à côté du terrain de parachutage.
Le 17 juin, les forteresse volantes bombardèrent la Réole, une partie de la journée, malgré la D.C.A. et les chasseurs allemands. Cependant, un appareil
fut touché, aussitôt, il quitta la formation et, avec ses deux moteurs encore intacts, il se mit à tourner au dessus de la forêt landaise. Sur les 9
hommes qui composaient l’équipage 8 sautèrent en parachute à 5000 mètres. A ce moment là, les Allemands d’un côté et le maquis de l’A.S. de l’autre
partirent pour les recueillir. Pierre L….. et ses hommes parvint à récupérer 3 aviateurs dont un lieutenant à Cudos, dans une ferme à 150 mètres des
automitrailleuses allemandes qui ne tenaient pas à s’aventurer dans les bois. Pendant ce temps, l’avion, piloté par un ingénieur chef du bord, continuait
à tourner à basse altitude cherchant à se poser. Il ne put que s’abattre dans un champ de blé à St Michel de Bazas. Le pilote avait sauté in extremis,
mais il avait fait le nécessaire, car lorsque les Allemands, qui étaient tout prêt, voulurent s’approcher pour la curée, la forteresse s’enflamma. Malgré
nos efforts, nous ne pûmes nous saisir du pilote qui, quoique blessé, fit encore plusieurs kilomètres à travers bois. Grâce à l’indication d’un meunier,
nous le récupérâmes près de Lerm-et-Musset. Il retrouva avec plaisir ses 3 camarades. Deux jours après, Maurice A….. nous amenait les autres aviateurs
qui étaient tombés près de Villandraut. Je signale, en passant, que les Américains possédaient des cartes très détaillées où étaient indiqué l’emplacement
des maquis.
Ce fut donc notre maquis des « Trois Chênes » qui hébergea les 9 aviateurs. Un de nos hommes parlant l’anglais, la conversation fut assez
facile. Cependant, au bout d’une quinzaine de jours, il apparut que nous ne pourrions garder ces hommes avec nous. La vie au maquis ne leur convenait
pas. Ils étaient des aviateurs et non des maquisards. Ils ne gardèrent pas leurs armes. Ils voulaient rejoindre leur base. Nous nous informâmes du point
de regroupement qui se trouvait quelque part en Lot-et-Garonne. Quelques jours plus tard, perdant patience, 3 aviateurs quittèrent le camp de nuit,
sans nous prévenir. Puis, ce fut le tour de deux autres. Ayant interrogé les quatre aviateurs qui restaient, ils me répondirent qu’ils ne partiraient
pas mais qu’ils voulaient rejoindre, au plus vite, un centre de regroupement. Le renseignement arriva ; nous devions les conduire à Meylan, en
Lot-et-Garonne, où un détachement du colonel anglais « Hilaire » devait les prendre en charge.
C’est ainsi que le 12 juillet 1944, une moto conduite par M. Lasserre avec sur le tan-sad André L….. et une voiture Citroën, conduite par Jean Guérin,
accompagné du gendarme V….. et des 4 aviateurs américains, entreprirent de se rendre au centre de regroupement de Meylan. Je pense qu’il aurait été
sage de prendre les petites routes des Landes pour atteindre cet objectif, mais nos deux camarades décidèrent d’emprunter la grande route de Casteljaloux
à Houeillés, route stratégique qui était sillonnée sans arrêt par les colonnes allemandes. C’est alors que se produisit le drame. Le petit convoi allait
atteindre le croisement de la Tour d’Avance, Lot-et-Garonne. La moto qui marchait devant la voiture se trouvait à quelques centaines de mètres de cet
endroit lorsqu’elle tomba dans une embuscade. Les Allemands avaient installé des fusils mitrailleurs dans le coin du bois. A la première rafale,
E. Lasserre fut touché au rein et tomba avec la moto sur le côté de la route. André L….., qui était indemne s’enfuit dans le bois. La voiture stoppa.
Les Allemands tirèrent sur la Citroën mais manquèrent leur but. Le gendarme V…. et les 4 aviateurs s’enfuirent dans le bois, quant à Jean Guérin qui,
à ce moment, était indemne, il resta sur place pour porter secours à son ami E. Lasserre qui était grièvement blessé.
Je connaissais parfaitement ces deux hommes qui faisaient partie de notre groupe de l’A.S., depuis le début. Je savais les liens qui les unissaient.
Leurs femmes avaient été arrêtées par la Gestapo, le 21 avril. Ils avaient des comptes à régler avec les Boches. Je suis convaincu que Jean Guérin
aurait pu s’échapper comme ses camarades. Il ne le voulut pas. Patriote intransigeant, courageux à l’extrême, il accepta un combat inégal. Je suis
persuadé qu’il se défendit jusqu’à la mort avec ses armes ; Jean Guérin n’était pas de ceux qui levaient les bras.
Les Allemands ne se contentèrent pas de tuer Lasserre et Guérin. Ils les mutilèrent. Ils découpèrent le crâne de Lasserre à la mitraillette ;
quant à Guérin, ils le coupèrent littéralement en deux morceaux.
A titre documentaire, je dirai que, deux heures auparavant, un drame presque identique s’était passé au même endroit. Un side-car du maquis, monté
par deux gendarmes ralliés au M.U.R. de la région de Nérac, tombèrent dans l’embuscade. A la première rafale, les Allemands tuèrent le conducteur du
side-car. Le véhicule se renversa dans le fossé, le gendarme qui était dans le panier était légèrement blessé. Il avait un fusil mitrailleur. Se
sachant perdu, il engagea un duel à mort avec les Allemands. Ces derniers, malgré une énorme supériorité numérique, eurent beaucoup de peine à le
neutraliser.
Le maire de Fargues sur Ourbise prit l’initiative de faire enterrer provisoirement Lasserre et Guérin dans un petit cimetière du village. Quelque
temps après, la Résistance voulut récupérer les corps de nos camarades, pour les inhumer à Grignols. C’était une folle aventure qui valait la peine
d’être tentée. Un jour, une camionnette se rendit donc à Fargues sur Ourbise pour prendre possession des deux cercueils. Le véhicule n’avait fait que
quelques kilomètres, lorsque les Allemands apparurent. Plein de méfiance, ils ne voulurent pas croire que ces cercueils contenaient des cadavres. Avec
leur sauvagerie habituelle , ils les défoncèrent à coup de hache, puis, se retirèrent. Il fallut que la Croix rouge intervienne auprès des
autorités allemandes pour que ces pauvres restes humains soient mis dans de nouveaux cercueils. Ayant eu gain de cause, la Croix rouge les fit inhumer
à faible profondeur dans le cimetière de Casteljaloux. Et c’est là que l’A.S. vint les chercher de nuit. Les deux cercueils furent entreposés, à
quelques kilomètres de Grignols, au milieu des bois, dans une chapelle ardente improvisée gardée par des maquisards.
Il fut décidé que Lasserre et Guérin, unis dans la mort comme ils l’avaient été dans la vie, auraient, malgré les Allemands, malgré les risques, des
funérailles religieuses dignes d’eux. Le curé de Grignols pressenti refusa d’apporter son concours. Ce fut donc un brave prêtre irlandais, qui était
déjà au maquis, qui prit la place de notre curé défaillant. Le service religieux eut lieu dans la petite église de Sillas, Gironde. Des centaines de
maquisards, armés jusqu’aux dents, accompagnèrent Lasserre et Guérin au cimetière de Grignols, où ils furent inhumés n présence de quelques civils
sous la protection des fusils mitrailleurs.