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Résistance Unie n°0 - Mai 1987
Cahiers de la Résistance n°33, février 1977
L'un des rescapés de cette tragédie, Monsieur Liarçou, m'a demandé d'apporter la confirmation des faits dans ce récit en reprenant la description faite par Monsieur Soca.
Mais le 9 juin, peu après le repas de midi, toujours accommodé du "mouton haricots" dont l'odeur a désormais envahi le cantonnement,
un des guetteurs donne l'alerte. En face de lui, dans le champ de blé, à quelques 80 mètres, des ondulations inhabituelles découpent
les rangs d'où émergent des casques agressifs. Mais les Allemands, que l'on découvre par dizaines, semblent se tapir et attendre.
Quelques secondes effacent cet instant de surprise.
C'est le jeune René, neveu du papa Faux, qui déclenche de son poste de F.M, à l'étage, les premières rafales, suivies aussitôt de la
riposte.Planqué dans un poste de combat, face à la pièce de blé, le "Mataf" prend les assaillants en enfilade, tandis que les balles
des mousquetons sifflent de plus belle. Le tir des armes devient plus précis et découvre la progression ennemie, quand il ne cesse
de creuser des vides dans ses rangs.
Mais d'autres détachements s'installent derrière les talus déjà soulevés de salves de terre. La fusillade se poursuit, furieuse.
Camouflés à l'orée du bois, les maquisards balancent quelques Grammond qui couchent d'autres soldats à terre. Vers 18 heures, l'ordre
de repli est donné, au moment où l'ennemi déclenche de puissants tirs de mitrailleuses et de mortiers. Le groupe se disperse dans
le bois proche, après avoir miné la cantonnement. Quand les Allemands investissent la ferme, quelques charges de plastique soufflent
la toiture qui s'écroule sur les assaillants.
Ruchaud, Lapoire et Leroy parviennent à regrouper leurs forces vers Lamothe-Landerron et à évacuer une quinzaine de blessés. L'un
d'eux, René Faux, a décroché malgré une large blessure au talon, survenue au moment où il tente d'entraîner son camarade Robert Liarçou,
plaqué au sol dans une pièce de vigne. Malgré les tirs, René a pu tirer son camarade gémissant sous la racine d'un orme, espérant le
récupérer après le départ des Allemands. Mais ces derniers découvrent le malheureux maquisard. Une balle a traversé le genou gauche
et ouvert à sa sortie une large plaie baignant dans un sirop de sang caillé et de terre.
Un coussin de paille maintenu entre deux planches. Le prisonnier, traîné inanimé sur le gravier, reprend connaissance sur le plateau
d'un camion où s'entasse un butin hétéroclite: chaises, bicyclettes, victuailles. Du collège de La Réole où siège la Gestapo, Robert
Liarçou reconnaît le hall et le vestiaire, pour y avoir passé son adolescence studieuse. Mais ces locaux sont devenus des lieux de
torture. Son malheureux camarade Paul Gérard, découvert caché dans la maison des Faux, a été affreusement mutilé. Ses membres broyés
pendent sur un corps inerte baigné de sang. Il expire dans la nuit, sans avoir repris connaissance. Robert, qui souffre s'imagine
privilégié dans ce cheminement à la mort. Immobile sur sa civière, il croit bien que son moment va venir, quand un détachement
précédant le convoi sanitaire se dirige à l'extérieur de la ville. Robert remarque le terre-plein désigné pour les fusillades, mais
les soldats allemands prennent le chemin de la gare. Après un transfert à la Gestapo de Langon, le blessé de Lorette est jeté dans
une cellule du fort du Hâ. Il a remarqué que quatre de ses camarades ont été emmenés prisonniers de La Réole: Labory, Zuanet et Bolzan,
désignés pour la déportation d'où ils ne revinrent pas. La fille du père Faux, courageuse et intrépide, avait forcé l'admiration des
maquisards. Elle réussissait à fausser compagnie à ses geôliers.
Robert Liarçou connut une incarcération prolongée, sans soins, dans une cellule partagée avec deux valeureux résistants: Marcel
Guinot, de Bergerac, et Laforesterie, de Puisseguin, blessés au combat.
A la mi-juin, ses gardiens le traînèrent à l'infirmerie du quartier allemand où le docteur Poinot, résidant à Saint-André, et requis
par les autorités, réserva quelques attentions au jeune homme. Lors d'une seconde consultation, il tenta quelques soins, mais essaya
de persuader les Allemands d'une nécessaire intervention, impossible sur place. Mais ce n'est qu'après cinq ou six hémorragies que
les Allemands décidèrent son transfert à l'hôpital du Béquet. On l'amputa le 14 juillet, après l'avoir laissé pratiquement sans soins
trente-trois jours. Mais le régime hospitalier cessa en août pour un nouveau séjour au fort du Hâ, puis au pavillon "Z" de Pellegrin.
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