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Documentation: Gilberte Bonnac.
Deux grandes figures de la Résistance, Georges Malbos.
Annuaire sombre du syndicalisme et renaissance enthousiaste. Centenaire de la C.G.T.
Il est né le 25 juin 1903 à Bordeaux.
"Canevas, Brasseur, Borgeois, Bernadet, combien de résistants, dans le Sud-Ouest, ont reçu les ordres
signés de l'un de ces noms, sans savoir d'où ils venaient. Ils venaient de Georges Bonnac, qui,
jusqu'au 30 mai 1944, a dirigé les quatre cinquièmes de la résistance du Sud-Ouest. Il n'est plus
là. Il a été arrêté et déporté. Il n'est pas revenu. On n'a pas de nouvelles de lui. A la libération,
il a fallu taire son nom par crainte de représailles, et maintenant on ne le connaît pas et on
ne parle pas de lui. Il ne faut tout de même pas que les hommes soient plus injustes que le destin.
Il était bien mon ami, tellement mon ami! Je ne ferai pas son éloge. Tous les éloges d'absents ont
un caractère d'éloge funèbre. Je ne veux pas encore croire qu'il ne reviendra pas. Je ne me
résigne pas. Je ne me résigne pas. Je veux seulement que les Bordelais le connaissent.
Georges Bonnac, ardent syndicaliste et socialiste, chef de service à la mairie de Bordeaux, était
le secrétaire du syndicat des employés municipaux. Dès 1940, il est à l'origine du premier groupe
de résistance formé à Bordeaux, dans lequel il s'affirme immédiatement comme un extraordinaire animateur
de l'action clandestine. Il prend contact avec Paris et devient un des dirigeants nationaux de la
C.G.T clandestine. Il se lie au groupe "Libération" et en devient le chef régional. Avec l'aide
courageuse d'André Mureine, dont nous sommes aussi sans nouvelles et de quelques autres. Il organise
les groupes d'action dans tous le Sud-Ouest et, très vite, devant son incomparable dynamisme, le
C.N.R le choisit comme chef régional des mouvements unis de résistance pour la région "B".
Depuis ce jour, combien de responsables l'ont rencontré sur le quai d'une gare ou dans un petit
café. Et pourtant, il était traqué. Grandclément, le traître, le connaissait , ainsi que plusieurs
de ses dangereux acolytes. Bonnac le savait et ne diminuait en rien son action, tant il croyait en
la réussite de sa mission. Il variait ses rendez-vous, multipliant ses boîtes aux lettres, changeait
de nom. Seul, peut-être, parce que j'étais son ami, je le rencontrai souvent à son bureau, au premier
étage de l'Athénée, où je le demandais sous sa véritable identité.
Il avait une foi débordante, communicative et un mépris du danger absolu. Il croyait en son étoile
comme en la victoire. Et le 30 mai 1944, il était arrêté par la police française, venue spécialement
de Vichy à la suite d'une trahison que nous avons découverte et partiellement châtiée. Il tenait
entre ses mains toutes les ficelles. Les Allemands, auxquels les gens de Vichy l'ont remis, évidemment,
ont su qu'il contrôlait toute la résistance du Sud-Ouest. C'est assez dire comment il a pu être
traité. Pas un instant, un seul d'entre nous n'a pensé qu'il pouvait parler. Il n'a pas parlé. Nous
savons qu'il a été emmené en Allemagne, marqué encore par les tortures et avec plusieurs côtes
brisées. Depuis nous ne savons rien. Plus rien.
Nous restons une équipe qui vit dans le culte de son souvenir, sans perdre encore le total espoir
de son retour, n'est-ce pas Thérèse Lassalle et Dumas, ses fidèles agents de liaison; Darriet, rentré
de Buchenwald; Bielle et Buillon des Landes, Dubois des Charentes, Paul Quatorze et le Basque des
Pyrénées et tous nos amis bordelais de Libération trop nombreux pour être cités! Il est à jamais
pour nous tous "l'organisateur de la résistance dans le Sud-Ouest" et l'apôtre de la résistance
dans sa pureté et sa grandeur.
A son admirable compagne et à sa courageuse fille, nous tenons à dire notre affection et à reporter
sur elles, en attendant, notre gratitude.
Gabriel DELAUNAY