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Source:
Archives du Lycée Michel Montaigne de Bordeaux
"Résistance Unie" n°25 de septembre 1993.
Histoire de la Milice, Jacques Delperrié de Bayac.
Discours de Jean Maurice Dehes du Comité d'Action de la Résistance.
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Malgré les années et l'éclaircissement de nos rangs, je vois que vous n'avez pas oublié le passé.
Nous n'avons pas oublié, non plus, le serment de la Résistance et nous n'acceptons pas que le sacrifice
des jeunes héros et martyrs de Saucats et d'autres Hauts-lieux soit accaparé par les uns et insulté
par les autres.
Je suis et nous serons encore volontaires pour y aller avec eux et pour expliquer le combat héroïque
et la mort des jeunes lycéens ou élèves de grandes écoles qui avaient formé, dans ces lieux, une
école de cadres destinée à encadrer les prisonniers nord-africains au moment du départ des Allemands.
A l'origine et dans la région plusieurs lieux avaient été choisis pour implanter une école de cadres.
Ce maquis, sous les ordres du lieutenant François Mossé, étudiant en droit et sciences politiques,
qui avait commandé dans le Vercors et dans le maquis de Maurienne, par mesure de sécurité, avait
été implanté dans la ferme de Richemont, à Saucats qui, à l'époque, était cachée par la végétation
et la forêt. De plus, un homme était en permanence de garde, les jumelles à proximité des yeux.
Le maquis comprenait une vingtaine de personnes. C'était un maquis de l'O.R.A (Organisation de la
Résistance de l'Armée) qui reçut la visite du commandant Perrin (alias général Jouhaud de l'Armée
de l'Air). Ce dernier vint passer en revue l'école des Cadres et féliciter le lieutenant pour la
bonne tenue de ses hommes.
Le soir du 13 juillet 1944, l'effectif était réduit à 15 unités (20 en temps normal) 13 français
et 2 tirailleurs, prisonniers de guerre évadés.
En ce beau matin du 14 juillet 1944, ils étaient tous confiants. Philippe Béguerie, seul survivant
de l'attaque avec les deux tirailleurs, sortant pour aller chercher de l'eau, entendit, venant du
petit bois de pins du Nord-Ouest, un bruit insolite de brindilles cassées. Driss, le tirailleur,
aussitôt averti, saisit sa mitraillette et partit dans la direction indiquée. Il n'avait pas fait
50 mètres que, déjà, les armes à feu crépitaient un peu partout.
Lorsque le lieutenant Mossé, réveillé par les détonations, fit irruption dans la pièce de la ferme,
le revolver au poing, et demanda: "Que se passe-t-il?", il reçut une rafale en pleine poitrine et
s'écroula mort.
La "ferme de Richemont" et ses occupants étaient attaqués, venant de l'Est, par 60 Allemands (Gestapo)
et de l'Ouest, par une quarantaine de miliciens du gouvernement de Vichy. En tout 110 hommes contre
12 Français Résistants.
Mais que s'était-il passé?
Tout au moins, voilà ce que nous savons: "un jeune du groupe du maquis", parti la veille au soir
en permission, avait été arrêté en arrivant chez lui. Les miliciens du gouvernement de Vichy organisent
aussitôt une expédition punitive mais, ne se sentant pas assez forts pour opérer seuls, ils demandent
à la Gestapo de les accompagner avec une soixantaine d'hommes.
Les jeunes de la ferme de Richemont n'avaient qu'une douzaine de mitraillettes qui interdisaient
l'accès des abords de la ferme, dans un rayon de 100 mètres.
La situation risquant de s'éterniser, les Allemands ont recours à un canon de 105 cantonné à la
Brède. Ce canon est amené par l'Ouest, à 300 mètres de la maison qui est vite démolie. Les dix
survivants songèrent à sortir. Malheureusement, ils ne purent aller loin et les blessés furent
lâchement achevés par les miliciens.
Le combat avait duré plus de trois heures. Allemands et miliciens repartirent en emportant leurs
morts et leurs blessés. Avant de quitter les lieux, le chef de la Milice avait donné ordre à la
mairie de Saucats d'envoyer des hommes pour enfouir les cadavres des malheureux résistants. Mais
le commandant allemand responsable, arrivé à Bordeaux, rendait compte. Les ordres qui lui furent
alors donnés allaient au contraire de ceux de la Milice.
Le combat de Saucats a été connu au lycée le 22 juillet. C'est un adjudant de gendarmerie qui est venu apporter au censeur de l'établissement quelques photocopies, des enveloppes, des papiers teintés de sang et des numéros d'économat prélevés sur des vêtements. C'est lui qui a alors raconté ce qu'il avait pu collecter pour l'identification des victimes. Ce récit s'est ajouté à des témoignages de camarades (Mollat et Bourrieu).