Biographie. Résistants honorés. Pica Aurore et Yolande Gili, née Pica.. |
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Gili Yolande née Pica |
Le convoi du 24 janvier, Charlotte Delbo.
Elles sont nées à Fontoy, dans la Moselle, Yolande le 07/03/1922, Aurore le 02/05/1923, où leurs parents,
des émigrés italiens, s'étaient fixés après
la guerre de 14/18. Les Italiens sont venus nombreux
à cette époque pour travailler dans les usines et les mines du bassin de Longwy-Briey. En 1939, quand
la guerre éclate, les populations de cette région, appelée à devenir théâtre des opérations, sont
évacuées dans la Gironde.
Toute la famille s'installe à Vayres. Yolande se marie avec un "pays", Armand Gili. Un bébé vient
au monde au début de 1941. Armand Gili n'a vu son fils que rarement, dans des visites furtives: il
a délaissé son métier de chef-comptable et combat dans les premiers groupes de F.T.P Yolande fait
des liaisons dont il la charge, recueillir des renseignements.
Sur ordre de la résistance, qui ne l'avait pas désignée au hasard car elle portait, sur son visage
de dix-neuf ans, la naïveté, l'expression hiératique d'une madone de l'Angélico, Aurore se fait
embaucher chez les Allemands. Elle travaille aux cuisines. Tout en y subtilisant du ravitaillement
pour les combattants, elle cherche à savoir où se trouve le dépôt d'armes de l'occupant. Après des
mois d'observation, elle apprend que les armes sont entreposées à Bordeaux. Elle demande sa mutation
("la ville serait plus gaie pour elle, si jeune; dans cette campagne, elle s'ennuie"). A Bordeaux,
elle est employée dans les bureaux. Elle s'y procure des laissez-passer tamponnés à l'avance qui
permettent à des résistants de passer de zone nord en zone sud, obtient enfin les renseignements
sur le dépôt. Les F.T.P., par un coup de main dont on ne peut connaître les détails aujourd'hui
car aucun n'est plus là pour les donner, réussissent à enlever les armes et à les cacher. Elles ne
le resteront pas longtemps: un traître a indiqué la cqchette à la police. Aurore et Yolande sont
arrêtées le 30/08/1942 à Vayres. Leur père et leur mère aussi. Le bébé de Yolande, qui a dix-huit
mois, est déposé chez la voisine par les policiers.
Emprisonnées, l'une à la caserne Boudet, l'autre au fort du Hâ jusqu'au 14/10/1942, puis à Romainville,
les deux soeurs sont parties ensemble pour Auschwitz.
Auschwitz n°31.742
Aurore Pica est morte à Birkenau le 28 avril 1943,
morte de soif. Elle s'est traînée vers les marais aussi longtemps qu'elle a pu. Elle ne tenait
plus sur ses jambes quand elle est entrée au revier. Elle avait les lèvres toutes coupées.
Auschwitz n° 31.743.
Yolande Gili a quitté Auschwite le 02/08/1944, avec le groupe des rescapées qu'avait sauvé la
quarantaine; elle est arrivée à Ravensbrück, le 4 août. Elle y a retrouvé sa mère, Céleste Pica.
Mère et fille n'osaient se parler, n'osaient se regarder. La mère devait apprendre à la fille que
le père, Attilio Pica, avait été fusillé le 02/10/1943 au Mont-Valérien, à cinquante-trois ans;
Yolande devait dire qu'Aurore était morte.
Yolande a été libérée à Mauthausen le 22/04/1945. Elle est retournée à Bordeaux, elle y a retrouvé
son fils que les voisins avaient gardé pendant les trois ans. Puis elle est partie dans la région
de Lyon rechercher la tombe de son mari. Armand Gili, commandant F.T.P, avait été tué au combat
le 8 juin 1944.
Céleste Pica est revenue de Ravensbrück. Jusqu'à sa mort, en 1968, elle a vécu près de sa fille
aînée, qui était demeurée à Longwy, la seule famille qui était épargnée.
Depuis son retour, Yolande s'est remariée. Elle n"a pas eu d'autre enfant. Elle ne travaille pas.
Elle a été très malade, souvent alitée, pendant plusieurs années. Elle ne peut faire sans aide les
travaux de ménage. Elle vit à la campagne, à 25 kilomètres de Bordeaux et ne sort pas. Parfois, elle
projette d'aller en ville, tel jour. Le jour arrive, elle n'a plus le courage de partir, ni de faire
quoi que ce soit. Elle reste chez elle, seule toute la journée; elle attend son mari qui rentre le
soir vers 20 heures. Ou bien elle va passer un moment chez sa voisine. Son mari est très gentil,
sa maison agréable. Lorsqu'on lui rend visite, on sent qu'elle n'a pas le désir de vivre autrement.