Biographie. Résistants honorés. Escabasse Albert |
Témoignage d'Albert Escabasse
Je vais avoir 15 ans au mois de décembre 1940, j'écoute la radio de Londres, le 18 juin de cette année, j'ai entendu l'appel du
général de Gaulle qui m'a bouleversé.
Je vis avec mes parents au lieu-dit "Champagne" à Saint-Laurent-du-Bois. Nous exploitons une petite propriété viticole à quelques
centaines de mètres de la ligne de démarcation. Nous hébergeons souvent des prisonniers éva dés, des résistants. Après s'être restaurés
(nous n'avons pas beaucoup de nourriture), ils se reposent et, au petit matin, le long d'un petit cours d'eau, à côté d'un bois, au
lieu-dit "Griffon", nous leur indiquons où il faut passer pour rejoindre la zone libre. Deux années s'écoulent, les arrestations
dues aux dénonciations par la milice de Pétain se multiplient: de nombreux résistants sont torturés et fusillés sur place, d'autres
races (car les nazis ne pardonnaient pas aux hors la loi) sont envoyés dans les camps de concentration, on connaîtra la suite plus
tard. Nous changeons d'exploitation, nous allons habiter dans une ferme à proximité de la ligne. La propriété est "à cheval" et plus
importante. Un jour, un marchand ambulant passe, il achète des peaux de lapins, il deviendra mon ami. Il s'appelle "Honoré", je saurai
plus tard qu'il était P1 dans le groupe "Hilaire-Buckmaster". De son vrai nom André Jaubert, il habite dans la région de Blasimon, je ne
me doutais pas qu'il serait, quelques mois plus tard, un de mes chefs dans la Résistyance et, ensuite, dans l'armée.
A partir de ce moment, je vais entrer dans la clandestinité. Il me demande des renseignements sur les collaborateurs et les miliciens,
je le lui donne. Je servirai d'indicateur sur les déplacements des patrouilles allemandes pendant les parachutages. A la fin de l'année
1943, le maire de la commune me nomme pour partir au S.T.O., c(est au travail obligatoire. Je suis convoqué par les Allemands, me
précise-il, à Bordeaux, cours du Chapeau-Rouge. Muni de papiers et d'un certificat (soutien de famille et maladie), je pense être
relaché; il n'en rien.
Au moment du départ je ne sais où, je prend prétexte d'aller chercher ma valise. Une secrétaire française, m'ayant aperçu, cachera
ma carte d'identité qui me sera restituée, par cette même personne, à la fin de la guerre. Je m'échappe par les petites rues, j'arrive
à Tresse Mélac, une cache que l'on m'avait indiquée, chez le garde-champêtre. Là, il me donne une fausse carte d'identité au nom de
Jean Barbe, qui sera désormais mon nom jusqu'à la libération. Je reste caché chez lui huit jours. Je repars chez mes parents. Au petit
matin, je franchis la ligne de démarcation, c'est à Saint-Laurent-du-Bois, le "chemin de la casse". Je vais chez un cousin à Caubon-
Saint-Sauveur qui ne peut me garder que quelques jours, puis à Lévignac-de-Guyenne, chez M. Landreau. Je resterai près de trois mois
chez lui, il me dit que je vais être dénoncé par une personne qui vient souvent manger avec nous, le lendemain, j'entends une rafale
de mitraillette, il vient d'être abattu par un maquisard, je dois repartir car des gendarmes français enquêtent. Je reviens de nuit
chez mes parents. Je vais voir mon ami "Honoré" qui me fait entrer au maquis commandé par le capitaine Barrière. Avec quelques camarades,
nous servons d'éclaireurs. Nous sommes mal armés, quelques mitrailleuses, de vieux mausers et lebels. Après les massacres de Saint-
Léger-de-Vignague, Blasimon, Mauriac, les nazis commencent à se retirer pour rejoindre la Normandie. Ils seront retardés par le
harcèlement des maquisards. Le débarquement des troupes alliées,tant attendu, a lieu enfin ! La libération de la France ne sera
effective que le 8 mai 1945 par la capitulation sans conditions des troupes allemandes.
Au mois d'août 1944, nous sommes rassemblés pour contracter un engagement pour la durée de la guerre. Versé au 57ème Régiment
d'Infanterie, je partirai au Front du Médoc, puis, les manoeuvres dans les Landes, ensuite les Alpes-maritimes et, pour terminer,
les troupes d'occupation en Allemagne. Au mois de janvier 1946, je serai démobilisé.
Hélas, combien de jeunes de mon age ne reviendrons pas. Ils seront morts au combat ou disparus dans les chambres à gaz. Ils n'auront
pas eu ma chance.