Biographie. Résistants honorés. Bonnafon Germaine. |
Bonnafon Germaine |
Femmes dans la Résistance. |
R.U N°26 - Décembre 1993.
Le parcours d'une Résistante déportée
rappelé à l'occasion de sa remise d'insigne d'officier de la Légion d'Honneur.
Le 6 novembre 1993, salle du Conseil municipal de Pessac, Monsieur Guy Rousseau, maire-adjoint,
officier de la Légion d'Honneur, ancien résistant des F.F.I de la région d'Auvergne, parrain de la
récipiendaire, a prononcé l'allocution suivante:
Je voudrais exprimer le regret de ne pas avoir avec nous Mme Geneviève de Gaulle, ancienne déportée
de Ravensbruck, représentée par Mme Ginette Vincent.
Meilleur choix ne pouvait être fait pour honorer Germaine Bonnafon, Présidente départementale de la
F.N.D.I.R.P, que le festival international du film d'histoire consacré cette année aux Révoltés et
Résistants: le maire Alain Rousset en a pris l'initiative et nous devons l'en remercier très sincèrement.
En effet, celle que je vais avoir l'honneur de décorer tout à l'heure des insignes d'officier de la
Légion d'Honneur fait partie de ces femmes qui dès 1940 se sont engagées dans l'action clandestine.
Un film leur a été consacré et ce devrait être tout à l'heure le thème du débat sur "Les Résistants
à Hitler". Germaine a 18 ans en 1940 lorsque son père Jean Bernard qui s'est joint à la poignée de
résistants qui tente de s'organiser lui confie ses premières missions. Il s'agit pour cette jeune
fille d'assurer les transports et la distribution de consignes et de tracts hâtivement rédigés.
C'est en effet toute une panoplie de textes clandestins, de simples papillons aux formules lapidaires,
parfois humoristiques aux bulletins et journaux souvent manuscrits.
Ces messages sont alors diffusés par le système dit de la "chaîne ou de la boule de neige". Parfois
celui qui le reçoit le recopie à un ou plusieurs exemplaires et l'expédie à son tour.
A partir de l'été 1941, l'évolution du conflit mondial donne à la Résistance une puissante accélération
et modifie sensiblement ses traits.
Elle se généralise au cours de l'été 1942 et c'est cette année là, dans les premiers jours du mois
d'août que le père de Germaine, Jean-Bernard Bonnafon est arrêté à Bordeaux.
Il est alors emprisonné au tristement célèbre fort du Hâ, ensuite à la caserne Boudet et le 21
septembre 1942 à 20h00, avec 70 de ses camarades, il est fusillé au camp de Souge: il
n'a que 44 ans. A titre posthume, la médaille de la Résistance lui a été décernée.
C'est aussi à partir de cette année 1942, année sombre pour la France, au cours de laquelle eut
lieu la rafle du Vel d'Hiv, que la prison vichyste ou allemande, le camp d'internement de l'Etat
Français, sont désormais l'antichambre de la déportation vers les camps d'extermination nazis.
Le réseau "RIF" (Résistance Intérieure Française) auquel elle appartient étant démantelé, Germaine
est obligée de quitter Pessac et Bordeaux pour se réfugier à Paris.
Désormais hirs la loi, recherchée par la police de Bordeaux, elle va vivre dans la clandestinité:
elle changera une vingtaine de fois de refuge avec la hantise permanente d'être arrêtée.
Au cours de l'hiver 1942/1943, Germaine réussit pourtant à reprendre contact avec la Résistance.
Elle trouvera même l'audace et le courage de revenir à Bordeaux, puis à Mérignac, pour faciliter
l'évasion d'une de ses camarades détenue dans le camp d'internement administratif de Mérignac
Pichey...
Sa nouvelle participation à la Résistance sera hélas de courte durée, puisqu'en avril 1943 elle
sera arrêtée à la gare Saint Lazare à Paris par la police française.
Après avoir subi ces terribles interrogatoires communs à tous les patriotes, Germaine est emprisonnée
à la Petite Roquette.
Malgré les conditions inhumaines, les prisonnières trouvent encore la force et le courage de
manifester leur haine de l'occupant.
C'est ensuite les transferts de prison en prison: Chalon-sur-Marne d'abord, où presque chaque matin
à l'aube elle entend sous sa fenêtre les rafales de mitraillettes, puis la prison de Laon qu'elle
rejoint escortée par des soldats allemands, enfin le fort de Romainville où l'attend la Gestapo qui
décide sa déportation, avec 600 détenues, vers l'Allemagne.
Le voyage qui dure cinq jours et cinq nuits s'effectue dans des wagons à bestiaux scellés et plombés
"hommes 40, chevaux en long 8", que l'on connaît et dans chacun d'eux sont entassés une centaine
de détenus. Un simple petit rectangle barreaudé leur permet à peine d'entrevoir un filet de lumière
et de respirer. Les conditions sont rapidement insupportables, une odeur nauséabonde accompagne les
prisonniers; certains mourront en cours de route.
Pour Germaine et celle qui l'accompagne, la première étape c'est le camp de Ravensbruck. Elle sera
immatriculée sous le numéro 39098.
Elle y séjournera quelques mois pendant lesquels elle entendra chaque matin, alors qu'il fait encore
nuit, des cris, des coups, des appels qui n'en finissent pas...
Pour des raisons inconnues, elle est ensuite transférée avec d'autres dans le camp de Zwodau en
Tchécoslovaquie. Les conditions sont aussi horribles qu'à Ravensbruck.. des coups, des cris, des
appels sans fin et chaque jour des mortes qui rejoindront la fosse commune.
Dans cette région des Sudètes le climat est particulièrement rude et la température descend jusqu'à
-26°/-28°. On imagine alors les souffrances physiques endurées par ces prisonnières à peine vêtues
et dont l'alimentation se limite à de l'eau dans laquelle flottent des débris de rutabagas.
Les coeurs se remplissent d'espoir en avril 1945; le camp est évacué mais, pour des raisons stratégiques
(les Alliés ont bloqué la route d'accès) les prisonnières doivent revenir à pied.
L'état de faiblesse de quelques unes est tel que certaines mourront en route. Le 7 ou le 8 mai, les
soldats découvrent enfin les prisonnières et le retour vers la France s'organise autour de la mi
juin 1945.
Après tant de souffrances physiques et morales, l'état de santé de Germaine est délabré, elle ne
pèse plus que 38 kgs.
L'hôtel Lutetia à Paris, le 17 ou 18 juin 1945, constitue la première étape en France; curieusement
des fonctionnaires de police les interrogent afin de savoir si elles sont des déportées politiques
ou résistantes...
Enfin Germaine retrouve Bordeaux. Les déportées sont accueillies à la Gare Saint Jean par les familles
qui attendent avec anxiété et émotion le retour des leurs.