La Gironde sous l'occupation.
La poche du Médoc.

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Groupe de Résistance "Jean Dufour"
Mouvement: O.C.M.
Lieu: le Médoc.

Sources:
"Le front du Médoc", une brigade F.F.I. au combat.
Fonds Calmette, 62J - SC 504
Historique des unités combattantes de la Résistance, de la Barre de Nanteuil

Etats nominatifs Procés-verbaux Historique Sommaire

Bordeaux, le 4 août 1944

Service des
Renseignements Généraux
BORDEAUX
N°9940

RENSEIGNEMENTS

OBJET: A/S des opérations effectuées par les troupes allemandes aux environs de Lesparre.
REF: Notice n°9429 en date du 26/07/1944

Au cours de leur action dans la journée du 25 juillet 1944, contre le maquis qui s’était installé aux environs de Lesparre, les troupes allemandes se sont plus spécialement occupées des quartiers d’habitation situés au sud de la ville de Lesparre. Elles ont exercé un contrôle très serré dans les lieux-dits, « Conneau », « lesBouchonnets », « Haut-Garnaout » (commune de Lesparre) « Liard », « St-Gaux », (commune de St Germain d’Esteuil), et « Nodris » (commune de Vertheuil).

Leur action de nettoiement s’est tout particulièrement portée sur les chemins environnants et les abords de la route allant du lieu-dit « St-Gaux », en direction de Hourtin. Au bord de cette route et sur une longueur de 4 à 5 kms depuis St-Gaux, en direction de Hourtin, tous les chemins et sentiers muletiers ont été visités par des patrouilles et les rares maisons d’habitation ont fait l’objet de minutieuses perquisitions. Dans les environs de Hourtin, aucune action de répression n’a été entreprise à travers les bois et seules, les routes ont été contrôlées.

C’est d’ailleurs aux environs de la route St-Gaux-Hourtin, à environ 1 km de cette voie, et à travers la lande, que les Allemands ont réussi à découvrir le campement des maquisards. Ces derniers s’étaient installés dans trois maisons, seules au milieu des bois, et distantes de 2 à 3 kms de toute autre habitation. Un sentier et un chemin muletier permettaient d’y accéder assez difficilement.

Une première maison, portant le surnom de « le Flit », était placée au milieu d’une clairière, dont l’entrée été flanquée d’un poste d’observation. Elle comprenait trois grandes pièces ; l’une servait de cuisine, car on y découvre des ustensiles ménagers et des quartiers de viande ; sur la cheminée, les insignes de la III ème internationale, avaient été peints. Les deux autres pièces étaient utilisées comme dortoirs, et l’on y trouve des sacs, des toiles de couchage et des oreillers.

D’autres objets gisent parmi les décombres : 1° - Trois casques et un képi de gardien de la paix ; cet équipement a dû appartenir aux trois G.P. qui ont abandonné le commissariat de police de Pauillac, au début du mois de juin et qui ont rejoint les maquisards. D’ailleurs, non loin de cette maison, le corps du G.P. Bauvais a été découvert ; de plus, un cadavre portant des souliers ferrés et des vêtements bleus semblables à ceux des G.P. des corps urbains, a été découvert également ; étant dans un état de décomposition assez avancé et n’ayant sur lui aucun papier, on peut présumer qu’il s’agit là de l’ex-gardien de la paix Goolen Albert, mais on ne peut être affirmatif.

2° - Des bouteilles de vin vieux du château Liversan à St-Sauveur. Cette propriété avait été cambriolée au début du mois de juin et une quantité importante de vin en barrique et en bouteilles avait été emportée.

Aux environs de cette première habitation, se trouve une vieille grange qui a abrité un troupeau de vaches ; les troupes d’occupation y ont découvert treize vaches qu’ils ont amenées par la suite avec eux. Ce bétail pourrait être le reliquat du troupeau de 18 têtes qui avait été dérobé dans la nuit du 16 au 17 juillet aux préjudices de Monsieur Couteau, maire de St-Laurent-du-Médoc. Les cinq autres bêtes ont dû être abattues et consommées par les maquisards. D’ailleurs, on découvre non loin de la première habitation les dépouilles d’une bête récemment abattue et une fosse où étaient entassés les ossements de bêtes précédemment tuées.

A quelques centaines de mètres de là, se trouvent deux autres habitations qui abritaient également des maquisards. Dans l’une d’elles, de vieux effets militaires de couleur kaki, ainsi que des chéchias gisant sur le sol ; cette habitation devait abriter les 19 prisonniers nord-africains qui ont été enlevés dans la nuit du 12 au 13 juillet, au château Loudenne, à St-Yzan du Médoc. Je dois mentionner, à ce sujet, que monsieur le maire de St-Germain-d’Esteuil a découvert sur le territoire de sa commune, au lieu-dit « Dartrat », les cadavres de deux hommes que l’on n’a pu identifier, mais que l’on reconnaît comme étant certainement deux nord-africains.

Une dernière habitation enfin située dans un endroit plus éloigné de la forêt, avait été transformée en infirmerie ; il est à noter qu’au début de leur apparition dans la région, les maquisards avaient installé leur quartier général, dans une maison plus proche de la ville située au lieu-dit « le Haut-Garnaout ». là, également, ils avaient transformé une des maisons abandonnées et avaient installé tout autour des postes de combat.

Les troupes d’occupation, lors de l’opération de nettoyage du mardi 25 juillet, ont retrouvé dans la maison dite « le Flit », la mule, la chaînette et une partie du chargement de farine qui avait été pris à Monsieur Ipousteguy, dans la matinée du 22 juillet, sur la route de Lesparre à St-Laurent. On ne peut évaluer exactement le chiffre exact de maquisards qui s’étaient dans ces repaires, des quelques renseignements recueillis, on peut présumer qu’ils étaient aux environs de 150 à 200, y compris 19 prisonniers nord-africains, enlevés quelques temps auparavant. Dans la semaine du 16 au 23 juillet, ils avaient manifesté leur présence par des vols et des attentats. Ils n’avaient pas à leur tête d’autorité bien définie. Au cours des recherches, il a été découvert un cadavre que l’on n’a pu identifier, en raison de son état de décomposition, mais qui semblait être un des chefs de l’organisation ; il était âgé de 41 ans, car il portait au doigt une bague avec les initiales J.D et la date du 12 mars 1903. Il était criblé de balles et semblait être mort au cours du combat.

Ces maquisards étaient, pour la plupart, coiffés de calots militaires et portaient au bras un brassard tricolore avec les insignes « F.F.I », la croix de Lorraine à l’intérieur d’un « V ». au cours des recherches, il a été découvert, deux fusils allemands avec 36 cartouches, qui se trouvaient dans un fourré ; ils les ont remis à la Feldkommandantur de Lesparre. Parmi ces deux fusils, il semblerait que l’un d’eux ait appartenu à l’un des soldats allemands qui a été tué le lundi 17 juillet au soir aux environs du château Nodris.

19 cadavres au total ont été retrouvés, 9 seulement ont été identifiés avec certitude. Ils étaient, en les classant, dispersés dans les communes ci-après :
LESPARRE : 
Six cadavres ont été retrouvés au lieu-dit « Vignes-Oudides », aux environs de la maison des maquisards.
1°) Blanchard André, né le 21 mai 1921 à Hussigny-Godbrange, arrondissement de Briey (Meurthe et Moselle), fils de Émile Prosper et de Mejerus Marie, employé à la mairie de Lesparre, demeurant dans cette même ville, impasse Gramont.
Il avait été fusillé d’une balle dans la tête.

2°) Beauvais Camille, Edgard Robert, né le 15 février 1917 à Dissay, arrondissement de Poitiers (Vienne), fils de Camille et de Busseau Suzanne, ex-gardien de la paix au Commissariat de police de Pauillac, ayant abandonné son poste dans la nuit du 8 au 9 juin.
Fusillé (une balle à la tempe et une autre à la poitrine).

3°) Dufort Jean, né le 13 janvier 1888 à Naujac sur Mer, arrondissement de Lesparre (Gironde), fils de Pierre et de Bonifay Jeanne, cantonnier, demeurant à Naujac s/mer.
Fusillé (plusieurs balles à la poitrine).

Un 4ème cadavre se trouvait sur le même lieu, il portait des vêtements analogues à ceux des G.P. des C.U. et était chaussé de gros brodequins, son identification a été difficile en raison de l’état de décomposition assez avancé dans lequel il se trouvait. On peut présumer qu’il s’agit de l’ex-G.P. Coolen Albert, Léon, Charles, né le 2 septembre 1917 à Marck, arrondissement de Boulogne/mer (Pas de Calais) fils de Jules Frédéric et de Bombles Henriette. Il avait été fusillé (une balle à la mâchoire et une autre à la tête).

5°) X…., âgé de 40 ans à 45 ans, taille 1m70, cheveux bruns, front dénudé, portant des lunettes, vêtu d’une chemise kaki et d’un pantalon de velours, porteur d’une alliance fabriquée avec une pièce de monnaie de 2 francs et d’une bague simili-argent, avec les initiales « J D » et, à l’intérieur, la date de naissance 12 mars 1903 ; il était criblé de balles et semblait avoir été tué au cours d’un combat. Il pourrait être le chef de l’organisation.

6°) X….., âgé de 20 ans environ, cheveux frisés, teint mat, portant un pantalon kaki, chaussé de souliers ferrés ; il pourrait être un nord-africain.

Au lieu-dit « les Bouchonnets », un autre cadavre a été découvert ; il avait été enterré là par des maquisards, au moment où ils se trouvaient encore dans ce quartier. Il est à demi putréfié et tout à fait méconnaissable.

Tous les autres cadavres n’ont plus sur eux aucune pièce d’identité ; aussi, il s’avère, la plupart du temps, impossible de les reconnaître.

ST GERMAIN D’ESTEUIL: 
Trois cadavres ont été retrouvés en bordure de la route St-Gaux-Hourtin au lieu-dit « Lagune Sale ». il s’agit des nommés :
1°) Karciauskas Jean, né le 23 novembre 1919 à Virbalis (Lituanie) manoeuvre, demeurant à Lesparre, rue Achard, célibataire.
2°) Mortagne Jean Robert Michel, né le 11 avril 1925 à Lesparre, fils de X… et de Bataille Jeanne, ouvrier horticulteur, célibataire, demeurant à Lesparre, cours Hippolyte Vignau.
3°) Pibotau Raymond, né le 11 février 1867 à Lesparre, fils de Jean et de Dejeans Françoise, cultivateur, demeurant à Lesparre, au lieu-dit « les Bouchonnets », veuf, sans enfant.

Deux personnes ont été tuées au cours des opérations de nettoyage, au lieu-dit « Liard », commune de St-Germain- d’Esteuil :
Seurin Raymond, né le 15 avril 1923 à Lesparre, cultivateur, célibataire, demeurant à Liard, commune de St Germain d’Esteuil.

Luceyran, née Brumace Marie, le 11 mars 1915 à Lesparre, cultivatrice, demeurant à Lesparre, au lieu-dit « Conneau », femme de prisonnier de guerre, deux enfants.

Six autres cadavres ont été découverts par M. le maire de St Germain d’Esteuil, au lieu-dit « Dartrat » ; ils n’ont pu être identifiés en raison de leur état de décomposition avancé :
Signalement : 1°) X….., un nord-africain, âgé de 25 à 30 ans, taille 1m65, chaussé de souliers bas marron foncé, dessous noir, talons caoutchouc et de chaussettes de teinte noire. Vêtu d’un pantalon de coutil marron foncé, maintenu par une ceinture de cuir tressé, d’une chemisette bleu foncé, d’une veste-chandail en laine marron foncé en très bon état, d’une veste gris-noir à rayures foncées ; cette dernière porte sur la poche intérieurs gauche la marque de fabrique « Raoul – 100 cours d’Alsace-Lorraine – 122 – 122 bis rue Sainte Catherine – Bordeaux ». il était coiffé d’une casquette beige à carreaux marrons.
2°) X….., âgé de 20 à 30 ans, taille 1m65, cheveux blonds, chaussé de souliers bas, cuir marron non tanné, semelles caoutchouc et de chaussettes en coton bleu. Vêtu d’un pantalon de coutil marron, maintenu par une vieille ceinture en cuir marron foncé avec boucle nickelée, d’un tricot de peau blanc, d’une veste de sport à carreaux bleus et blancs très sale.
3°) X….., âgé de 20 à 30 ans, corpulence forte, vêtu d’une combinaison de coutil marron foncé, d’un tricot de peau bleu-marine, d’une veste grise à rayures, très sale et déchirée aux coudes avec doublure jaunâtre à rayures, cheveux châtain foncé, mains fortes.
4°) X….., âgé de 20 ans environ, taille 1m65, cheveux blonds, corpulence mince, mains fines et peu soignées, vêtu d’un pantalon de coutil bleu-marine, d’une veste gris foncé à rayures, d’une chemisette bleu foncé et d’un chandail marron, ceinture de cuir noir et rouge, tressée, béret basque et souliers montants jaunes semelles cuir, talons caoutchouc.
5°) X….., âgé de 25 à 35 ans, taille 1m70, environ, cheveux châtains foncé, chaussé de souliers bas rouges avec semelles de bois, vêtu d’une chemisette blanche, d’une veste violet à rayures, sur la poche intérieure de laquelle se lit l’inscription « E. Mamousse-Bordeaux – 15 cours Pasteur » coiffé d’une casquette sale au fond de laquelle on lit : « Buttler et C° Matters ».
6°) X….., âgé de 30 ans environ, taille 1m80, corpulence athlétique, nord-africain, chaussé d’espadrilles blanches usagées, vêtu d’une culotte grise à rayures très sale et très usée, d’un tricot de peau blanc très sale, d’une veste de travail grise à rayures, d’une veste de travail marron foncé à rayures état neuf ; dans sa poche, on retrouve une petite pipe-sabot portant l’inscription « Lourde ».

CISSAC
Sur le territoire de cette commune, a été fusillé un habitant de Vertheuil, il s’agit de Aubin Jean, né le 25 mars 1866 à Gaillan en Médoc, arrondissement de Lesparre (Gironde), cultivateur, demeurant à Vertheuil, au lieu-dit « la Caussade ».

Parmi les identifiés, les nommés Blanchard André, Beauvais Camille, Karciauskas Jean, Mortagne Jean, faisaient partie du groupe de résistance.

Deux personnes ont été blessées au cours des opérations, il s’agit de M. Tuffreau, demeurant à Liard, commune de St- Germain d’Esteuil et de Mme Dejeans, née Octavin Gabrielle, le 11 novembre 1889 à St Germain d’Esteuil, y demeurant.

Huit personnes ont été arrêtées par les autorités occupantes :
de Larroque-Latour Guy, né le 11 avril 1922 à St Sornin (Vendée) propriétaire de château Nodris, commune de Vertheuil, y demeurant, célibataire.
de Larroque-Latour Antoine, né le 17 janvier 1925 à St Sornin, demeurant au château Nodris, célibataire.
Bernon Alexandre, né le 26 décembre 1897 à Saillans, arrondissement de Libourne (Gironde), métayer du château Nodris, y demeurant, marié, (5 enfants).
Bernon Guy, né le 26 janvier 1926 à Bordeaux, fils du précédent, célibataire, demeurant au château Nodris.
Herbert Ferdinante, née le 22 octobre 1905 à St Vincent sur Craon, arrondissement des Sables d’Olonne (Vendée) cuisinière, demeurant au château Nodris, célibataire.
Seurin Jean, né le 3 février 1920 à Vertheuil, arrondissement de Lesparre, y demeurant, au lieu-dit « la Caussade ». Ce jeune homme travaillait près du château et fut trouvé par les troupes d’occupation, démuni de ses papiers d’identité.
Chappelan Émile Guillaume, né le 7 mai 1921 à Lesparre (Gironde) fils d’Eugène et de Dejeans Catherine, cultivateur, demeurant à Lesparre, au lieu-dit « Causseran ». ce jeune homme avait la spécialité de guérie les paysans par des moyens empiriques et il est très possible qu’il ait donné des soins aux maquisards, car les troupes d’occupation se sont rendues chez lui dés le début de l’opération de nettoyage et l’on appréhendé.

D’après les renseignements recueillis, un groupe de quelques maquisards a également été fait prisonnier, il s’agit là de quelques jeunes gens dont l’âge varie entre 16 et 20 ans. Il n’a pas été possible d’obtenir des autorités d’occupation locales, les noms de ces prisonniers.

Dans la soirée du jeudi 27 juillet, le château Nodris, commune de Vertheuil, a été incendié. Ce château se trouvait à proximité de la zone occupée par les maquisards. Près de ce château, deux Allemands et un civil Français furent assassinés dans la soirée du lundi 17 juillet.

A Liard, commune de St Germain d’Esteuil, une grange appartenant à M. Pinet Louis et contenant du foin et du matériel agricole a été brûlée ; dans ce même quartier, trois granges appartenant à M. Petit et contenant du fourrage, du matériel agricole et un veau, ont été également brûlées.

< A Haut-Garnaout, les trois maisons qui constituaient le premier repaire des maquisards, ont été incendiées.